Perceptions
La tringlerie accroche au sol
L'objet me suit et je le manipule
Il porte deux flacons qui bringuebalent
Le lieu est un passage
Un ascenseur le dessert
C'est ordinaire : un hall
On a dû naguère y passer en voiture
Derrière la grille, un portail, un bout de rue.
Comme le bout du monde.
La distance est réduite.
Mon esprit en imagine tout un chemin y conduisant
Mon corps n'éprouve aucun élan.
Cinq pas en avant et dix pas à gauche
Toute cela sera assez.
L'esprit commande l'immobilité
Comme pour tendre l'esprit vers des pensées.
Des pensées décharnées seuls objets atteignables.
Où suis-je ?
Dans un hôpital ? Une résidence ?
Chez quelqu'un de la famille ?
Chez moi ?
La question m'effleure et m'échappe.
Je ne puis en concevoir la réponse
Car les neurones bloquent à nettement formuler la question.
La clarté des perceptions est obscurcie
Pourtant les lumières de fulgurances
Signent la vie en moi
De l'extérieur on doit juger : des débris de vie !
J'éprouve que je fus un être de perceptions
Je l'éprouve mal, certes mal
Mais cela fait du bien de l'éprouver.
Les nuages entravent la pensée
Ils embrouillent les réseaux cérébraux
La maladie a emporté l'essentiel
Je le sens en une perception
Souvent fugace mais répétitive
Là, quelques instants, puis d'autres encore
Je l'oublie dans les secondes suivantes.
A presque toute perception est, désormais, attaché un processus d'oubli.
Quasiment instantané.
La lucidité, affaiblie, ne m'affecte pas.
Il n'y a pas de malheur ou de tristesse;
Seulement des perceptions.
La fin n'est plus même conçue en tant que telle
Il faut être fort pour avoir peur de la mort
Lorsque l'âme et le corps sont repliés
Ratatinés en couches désordonnées
La perception de la fin devient banale,
Une parmi d'autres qui se chasse d'elle-même.
Ma conscience fragmentée demeure à me rendre heureux.
Ma vie toutefois ne navigue plus à fendre des vagues
Ces vagues que j'ai tant aimé rompre, illusion,
de mon corps d'enfant chahuté dans les pétillantes écumes.
Elle navigue déjà sous l'eau
Avec les ombres du bas, des abysses, et, aussi...
Oui aussi, la clarté solaire venant de la surface, du haut.
Enfin, bas et haut n'ont jamais voulu rien dire
Et ces instruments de sens se sont dissipés.
Tout cela je ne le conceptualise pas
A peine je le sens, je ressens.
Il doit y avoir là une seconde vie.
Amoindrie, appauvrie, asservie.
Comme la vie du fœtus, mais lui promet.
Oui la vie est encore là.
Il y a plusieurs vies dans la vie.
La déchéance est une forme de vie.
Le sentier vers l'échéance.
Parfois, une vague de neurones faits qu'ils agissent en force.
Elle peut alors mobiliser la parole pour une phrase belle.
L'appareil phonatoire, rendu plus disponible, fonctionne.
Non pas pour une phrase qui demande où est mon père ou ma mère
Non pas pour un mot anachronique qui parle de Lorette
Mon institutrice et mes parents sont morts depuis des décennies.
Ces phrases d'outre-temps je les dis avec cette bouche et voix qui déraillent.
Non, une phrase belle, disais-je.
Parfois banale, parfois plus travaillée, claire et haute.
"La vie est un espace discontinu de bonheurs."
Un autre jour.
"Le temps suspend les âmes au vent des péripéties."
Je sais alors que j'ai planté des banderilles.
Je ne saurais dire si cela peut se multiplier jusqu'à faire...
une ou deux minutes de conversation.
Je l'espère si cela plaît aux personnes qui sont par-là.
C'est fort improbable.
Autour de moi, on se demandera.
Cette phrase l'a-t-il un jour écrite ? La répète-t-il ?
Cela consternera d'un délicat ravissement.
Il sera dit ou compris que la pensée pense seule.
Que le dernier chemin est emprunté,
sinueux, étroit et non pas, pour celui-là, "sans fin".
Tout à l'inverse : le chemin de la fin.
Ainsi est la fin, de certains.
Ils vivent sans la conscience de la fin.
L'ultime perception se pose ailleurs.
Ils offrent à profusion de l'imaginer.
Qui pourtant l'entend de la sorte ?
La tringlerie racle le sol.
La perception sonore de cet outillage médical
Sorte de réveil
Accorde de bouger nettement la tête
Peut-être même de la lever.
Oui la sortie du hall, en douze pas, m'a mis sous le ciel bleu.
Je lève le nez.
Et le soleil alors m'éblouit.
La tringlerie accroche au sol
L'objet me suit et je le manipule
Il porte deux flacons qui bringuebalent
Le lieu est un passage
Un ascenseur le dessert
C'est ordinaire : un hall
On a dû naguère y passer en voiture
Derrière la grille, un portail, un bout de rue.
Comme le bout du monde.
La distance est réduite.
Mon esprit en imagine tout un chemin y conduisant
Mon corps n'éprouve aucun élan.
Cinq pas en avant et dix pas à gauche
Toute cela sera assez.
L'esprit commande l'immobilité
Comme pour tendre l'esprit vers des pensées.
Des pensées décharnées seuls objets atteignables.
Où suis-je ?
Dans un hôpital ? Une résidence ?
Chez quelqu'un de la famille ?
Chez moi ?
La question m'effleure et m'échappe.
Je ne puis en concevoir la réponse
Car les neurones bloquent à nettement formuler la question.
La clarté des perceptions est obscurcie
Pourtant les lumières de fulgurances
Signent la vie en moi
De l'extérieur on doit juger : des débris de vie !
J'éprouve que je fus un être de perceptions
Je l'éprouve mal, certes mal
Mais cela fait du bien de l'éprouver.
Les nuages entravent la pensée
Ils embrouillent les réseaux cérébraux
La maladie a emporté l'essentiel
Je le sens en une perception
Souvent fugace mais répétitive
Là, quelques instants, puis d'autres encore
Je l'oublie dans les secondes suivantes.
A presque toute perception est, désormais, attaché un processus d'oubli.
Quasiment instantané.
La lucidité, affaiblie, ne m'affecte pas.
Il n'y a pas de malheur ou de tristesse;
Seulement des perceptions.
La fin n'est plus même conçue en tant que telle
Il faut être fort pour avoir peur de la mort
Lorsque l'âme et le corps sont repliés
Ratatinés en couches désordonnées
La perception de la fin devient banale,
Une parmi d'autres qui se chasse d'elle-même.
Ma conscience fragmentée demeure à me rendre heureux.
Ma vie toutefois ne navigue plus à fendre des vagues
Ces vagues que j'ai tant aimé rompre, illusion,
de mon corps d'enfant chahuté dans les pétillantes écumes.
Elle navigue déjà sous l'eau
Avec les ombres du bas, des abysses, et, aussi...
Oui aussi, la clarté solaire venant de la surface, du haut.
Enfin, bas et haut n'ont jamais voulu rien dire
Et ces instruments de sens se sont dissipés.
Tout cela je ne le conceptualise pas
A peine je le sens, je ressens.
Il doit y avoir là une seconde vie.
Amoindrie, appauvrie, asservie.
Comme la vie du fœtus, mais lui promet.
Oui la vie est encore là.
Il y a plusieurs vies dans la vie.
La déchéance est une forme de vie.
Le sentier vers l'échéance.
Parfois, une vague de neurones faits qu'ils agissent en force.
Elle peut alors mobiliser la parole pour une phrase belle.
L'appareil phonatoire, rendu plus disponible, fonctionne.
Non pas pour une phrase qui demande où est mon père ou ma mère
Non pas pour un mot anachronique qui parle de Lorette
Mon institutrice et mes parents sont morts depuis des décennies.
Ces phrases d'outre-temps je les dis avec cette bouche et voix qui déraillent.
Non, une phrase belle, disais-je.
Parfois banale, parfois plus travaillée, claire et haute.
"La vie est un espace discontinu de bonheurs."
Un autre jour.
"Le temps suspend les âmes au vent des péripéties."
Je sais alors que j'ai planté des banderilles.
Je ne saurais dire si cela peut se multiplier jusqu'à faire...
une ou deux minutes de conversation.
Je l'espère si cela plaît aux personnes qui sont par-là.
C'est fort improbable.
Autour de moi, on se demandera.
Cette phrase l'a-t-il un jour écrite ? La répète-t-il ?
Cela consternera d'un délicat ravissement.
Il sera dit ou compris que la pensée pense seule.
Que le dernier chemin est emprunté,
sinueux, étroit et non pas, pour celui-là, "sans fin".
Tout à l'inverse : le chemin de la fin.
Ainsi est la fin, de certains.
Ils vivent sans la conscience de la fin.
L'ultime perception se pose ailleurs.
Ils offrent à profusion de l'imaginer.
Qui pourtant l'entend de la sorte ?
La tringlerie racle le sol.
La perception sonore de cet outillage médical
Sorte de réveil
Accorde de bouger nettement la tête
Peut-être même de la lever.
Oui la sortie du hall, en douze pas, m'a mis sous le ciel bleu.
Je lève le nez.
Et le soleil alors m'éblouit.