Les deux voix
Le temps a amassé en nous
De langoureuses délicatesses
Des phrases molles de paresses
Depuis le temps où tu étais "vous".
Tu es devenue "tu" un matin bleu
Qui déclina deux ou trois rengaines
Dissolvant toutes mes migraines.
Le soleil m'a dit d'être heureux.
Le coquin dispersa des ombres
Trompant mes sentiments divers,
Ma plume a donné cent vers.
Enfin, je ne suis plus mon ombre.
Tu as bien trente ans et moi aussi
Je te sens folle, un brin timbrée ;
Ce trait impose à ma chair de vibrer.
On sourit, on boit, juste là, assis.
On se lève droits et on marche
Demain tu deviendras fort blonde
Et, te voyant faire le tour du monde,
Mon intérieur trembla de ta démarche
Tu ne lâchas pourtant pas ma main
Quand, traversant les désirs du désert,
Mes peines infligées si amères,
Disaient ton attrait pour l'incertain.
On marcha là-haut sur le temps
Effaçant toutes les rides aplanies.
Ma main, en tous nos sens réunis,
Maintenait tes cheveux contre le vent.
Pourquoi dis-moi ô mon grand coeur,
À Nice, Lutry ou Val-Bélair, notre amour
D'évidence et de la force du jour
A eu d'advenir et de naître si peur ?
Le 25 mars 20- -, HC.
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Le temps a amassé en nous
De langoureuses délicatesses
Des phrases molles de paresses
Depuis le temps où tu étais "vous".
Tu es devenue "tu" un matin bleu
Qui déclina deux ou trois rengaines
Dissolvant toutes mes migraines.
Le soleil m'a dit d'être heureux.
Le coquin dispersa des ombres
Trompant mes sentiments divers,
Ma plume a donné cent vers.
Enfin, je ne suis plus mon ombre.
Tu as bien trente ans et moi aussi
Je te sens folle, un brin timbrée ;
Ce trait impose à ma chair de vibrer.
On sourit, on boit, juste là, assis.
On se lève droits et on marche
Demain tu deviendras fort blonde
Et, te voyant faire le tour du monde,
Mon intérieur trembla de ta démarche
Tu ne lâchas pourtant pas ma main
Quand, traversant les désirs du désert,
Mes peines infligées si amères,
Disaient ton attrait pour l'incertain.
On marcha là-haut sur le temps
Effaçant toutes les rides aplanies.
Ma main, en tous nos sens réunis,
Maintenait tes cheveux contre le vent.
Pourquoi dis-moi ô mon grand coeur,
À Nice, Lutry ou Val-Bélair, notre amour
D'évidence et de la force du jour
A eu d'advenir et de naître si peur ?
Le 25 mars 20- -, HC.
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La meilleure poésie est parfois plus explicite, moins complexe.
Quelques vers exceptionnels de Anna de Noaïlles le montrent (Le coeur innombrable, L'offrande à la nature).
Je vous laisse découvrir cette plume extraordinaire qui opère ici en purs alexandrins composés chacun de deux séries de six syllabes. A les dire, on constate ô combien l'écriture peut structurer le "dit", l'oral.
_____________________
La vague actuelle pour l'éloquence fait sourire. On ne sait plus écrire, alors on essaye autre chose, penseront d'aucuns. On jase. Et en public. On parade. Un jury applaudit !
L'écriture est pourtant l'agent indispensable du progrès du langage qui s'institue en langue. Soit un code, une science. Pour comprendre l'écriture juridique (et accessoirement judiciaire, qui n'en est qu'un dérivé administratif), il est utile de la comparer à l'écriture poétique. La comparaison est sommaire et grossière, mais elle pourra aider de jeunes étudiants qui pensent devoir écrire de façon (trop) sophistiquée dans leurs études juridiques.
Le juriste doit savoir écrire simplement, ce qui l'aide à être précis. S'il doit monter en littérature, si j'ose dire, il ne peut pas le faire au prix de l'imprécision. Il est sinon rare que la phrase juridique soit très belle, littéraire ; ce n'est plus jamais le cas dans les dispositions votées depuis quelques décennies, il reste quelques lois bien écrites, qui tirent parfois vers la poésie, notamment celles qui traitent de la nature et des choses qui la composent.
L'écriture du droit n'est pas poétique mais pratique. Enfin, "l'écriture du droit", le droit ne s'écrit pas, on en écrit des dispositions... légales, réglementaires ou contractuelles.
En droit, la phrase dit ce qu'elle dit et elle ne doit dire qu'une seule chose. Du moins en bon droit, La phrase est claire et simple pour être univoque. Militaire. Exécutoire.
La poésie est l'inverse du droit, et plutôt en tous points.
En poésie, un mot veut dire trois choses autres que celle qu'il dit d'ordinaire, la phrase a double sens, les mots ne sont pas dans l'ordre ; la phrase est subversive pour être suggestive.
La poésie procède de la théorie du chaos. Il faut des sens pour en retrouver le sens.
Il n'y a pas de bon philosophe sans bonne plume. J'entends ces derniers mois Michel Serres le répéter et dire que la plume d'Emmanuel Kant est magnifique (bon, dans les écrits pré-critiques). Les juristes ne se risquent pas à dire que le juriste doit avoir une plume ; ils réduisent le fait et le besoin au compliment de : l'élégance.
A réciter la loi, le juriste écrit dans le français avachi des administrateurs qui, bien qu'ils préparent la loi, n'ont aucune plume. Un style long, sans fermeté, répétitif, sombre, épuisant, faible : soit tout un programme de dévalorisation de la loi !
Lisez la différence.
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Quelques vers exceptionnels de Anna de Noaïlles le montrent (Le coeur innombrable, L'offrande à la nature).
Je vous laisse découvrir cette plume extraordinaire qui opère ici en purs alexandrins composés chacun de deux séries de six syllabes. A les dire, on constate ô combien l'écriture peut structurer le "dit", l'oral.
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La vague actuelle pour l'éloquence fait sourire. On ne sait plus écrire, alors on essaye autre chose, penseront d'aucuns. On jase. Et en public. On parade. Un jury applaudit !
L'écriture est pourtant l'agent indispensable du progrès du langage qui s'institue en langue. Soit un code, une science. Pour comprendre l'écriture juridique (et accessoirement judiciaire, qui n'en est qu'un dérivé administratif), il est utile de la comparer à l'écriture poétique. La comparaison est sommaire et grossière, mais elle pourra aider de jeunes étudiants qui pensent devoir écrire de façon (trop) sophistiquée dans leurs études juridiques.
Le juriste doit savoir écrire simplement, ce qui l'aide à être précis. S'il doit monter en littérature, si j'ose dire, il ne peut pas le faire au prix de l'imprécision. Il est sinon rare que la phrase juridique soit très belle, littéraire ; ce n'est plus jamais le cas dans les dispositions votées depuis quelques décennies, il reste quelques lois bien écrites, qui tirent parfois vers la poésie, notamment celles qui traitent de la nature et des choses qui la composent.
L'écriture du droit n'est pas poétique mais pratique. Enfin, "l'écriture du droit", le droit ne s'écrit pas, on en écrit des dispositions... légales, réglementaires ou contractuelles.
En droit, la phrase dit ce qu'elle dit et elle ne doit dire qu'une seule chose. Du moins en bon droit, La phrase est claire et simple pour être univoque. Militaire. Exécutoire.
La poésie est l'inverse du droit, et plutôt en tous points.
En poésie, un mot veut dire trois choses autres que celle qu'il dit d'ordinaire, la phrase a double sens, les mots ne sont pas dans l'ordre ; la phrase est subversive pour être suggestive.
La poésie procède de la théorie du chaos. Il faut des sens pour en retrouver le sens.
Il n'y a pas de bon philosophe sans bonne plume. J'entends ces derniers mois Michel Serres le répéter et dire que la plume d'Emmanuel Kant est magnifique (bon, dans les écrits pré-critiques). Les juristes ne se risquent pas à dire que le juriste doit avoir une plume ; ils réduisent le fait et le besoin au compliment de : l'élégance.
A réciter la loi, le juriste écrit dans le français avachi des administrateurs qui, bien qu'ils préparent la loi, n'ont aucune plume. Un style long, sans fermeté, répétitif, sombre, épuisant, faible : soit tout un programme de dévalorisation de la loi !
Lisez la différence.
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