Les activités de crédit à titre onéreux sont réservées aux établissements de crédit (EC) et à de multiples autres organismes ou personnes que la loi autorise (par exemple le microcrédit ou le crédit interentreprises). Il existe aussi des possibilités professionnelles spéciales de faire du crédit (par exemple le financement participatif).
La situation résultant de cette douzaine de dérogations, parfois larges, devrait conduire à ne plus parler de "monopole bancaire", et d'autant plus qu'on a dû, même "en doctrine", annoncer sa fin à au moins trois reprises. En outre, depuis ces dernières décennies, des professionnels de la finance qui ne sont pas EC, et notamment pas banque, peuvent pratiquer le crédit de façon générale un ou des crédits, quoique de façon conditionnelle (les PSI ou les PSP).
Le monde juridique préfère parfois des appellations traditionnelles que des désignations (plus) rationnelles. Dans vingt ans les systèmes juridiques d'intelligence artificielle, qui diront l'essentiel du droit en quelques clics, redresseront cette linguistique biaisée.
Dans cette affaire tranchée le 15 juin, deux entreprises avaient conclu des contrats de prêts en complément des opérations de fourniture. On note tout de suite que l'affaire n'implique pas ce que l'on appelle les prêts interentreprises Macron institués par une loi de 2015 pour les entreprises ayant certains liens (CMF, article L. 511-6, 3 bis, et art. R. 511-2-1-2). Naturellement, si cette formule légale est régulièrement utilisée, le prêt est alors licite, il n'y a pas de violation de monopole bancaire dans les parages, et la question d'espèce que tranche le juge ne peut pas arriver jusqu'à lui. L'affaire plus ancienne que cette loi ne contient pas cette question.
Les prêts en question entre la SA FUCHS et la société Back to bike, société fournie et endettée, avaient été cautionnés par les dirigeants de cette dernière. Poursuivis en paiement par la SA FUCHS, ces dirigeants cautions ont argué de la nullité du prêt pour éviter leur obligation de paiement. La cour d'appel les a entendus et, pour cette raison, voit le pourvoi prospérer et son arrêt cassé. Voilà à quoi peut servir la trompeuse expression de "monopole bancaire" : tromper le juge du fond qui y voit un principe large aux effets considérables au lieu de considérer les nuances et natures des textes... Sur renvoi, la cour d'appel saisie pourra encore constater la violation de l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier (CMF).
Toutefois, selon la jurisprudence ancienne de la Cour de cassation*, cette violation n'est pas une cause de nullité du contrat de prêt ; dans le titrage et résumé de cette décision de 2022, le précédent jurisprudentiel visé est celui de la chambre commerciale du 7 juin 2005 (mais ce dernier vise bien l'arrêt de principe de l'Assemblée plénière du 4 mars 2005). La règle violée est une règle d'organisation économique visant, désormais plus clairement, la stabilité financière (dont conformité et compliance sont les femmes de ménage...). La règle violée n'est pas une règle déontologique ou de bonne conduite ayant pour objet les contrats, mais une règle de réservation de certaines activités à diverses personnes (dont principalement les banques...).
Cette règle est posée dans l'intérêt général - l'organisation économique - ce qui fait volontiers parler, en France, d'ordre public économique (expression banalisée à notre sens, mais utile ici). Cette violation n'est donc pas une cause de nullité des obligations nées du contrat ou des contrats en cause : les cautions contractées ont donc pour objet une dette qui, valable, est due. Les cautions demeurent tenues, le spécialiste du droit des sûretés voudra peut-être prolonger l'analyse.
Sous l'aspect de droit bancaire en tout cas, l'arrêt est tout sauf une surprise.
La question du monopole bancaire, dont la doctrine parle plus que la pratique, la jurisprudence étant rare, ne servira donc pas non plus aux cautions... La réservation d'activités (dont celle du crédit) est une question d'organisation professionnelle : le prétendu "monopole bancaire" vise l'organisation économique et non la relation contractuelle. Les sociétés commerciales de tous bords (comme la SA FUCHS) ne doivent pas violer ces règles mais, en cas de violation, le client ne peut pas tirer parti de cette irrégularité - exactement comme la plupart des règles de conformité.
Les personnes qui s'estiment victimes d'une société qui fait des crédits irréguliers, voire d'un établissement agréé qui dépasse son propre agrément, et qui ainsi viole le CMF, devraient penser à une autre stratégie. Ces violations constituent également des infractions pénales pour lesquelles les victimes peuvent se constituer parties civiles.
La situation résultant de cette douzaine de dérogations, parfois larges, devrait conduire à ne plus parler de "monopole bancaire", et d'autant plus qu'on a dû, même "en doctrine", annoncer sa fin à au moins trois reprises. En outre, depuis ces dernières décennies, des professionnels de la finance qui ne sont pas EC, et notamment pas banque, peuvent pratiquer le crédit de façon générale un ou des crédits, quoique de façon conditionnelle (les PSI ou les PSP).
Le monde juridique préfère parfois des appellations traditionnelles que des désignations (plus) rationnelles. Dans vingt ans les systèmes juridiques d'intelligence artificielle, qui diront l'essentiel du droit en quelques clics, redresseront cette linguistique biaisée.
Dans cette affaire tranchée le 15 juin, deux entreprises avaient conclu des contrats de prêts en complément des opérations de fourniture. On note tout de suite que l'affaire n'implique pas ce que l'on appelle les prêts interentreprises Macron institués par une loi de 2015 pour les entreprises ayant certains liens (CMF, article L. 511-6, 3 bis, et art. R. 511-2-1-2). Naturellement, si cette formule légale est régulièrement utilisée, le prêt est alors licite, il n'y a pas de violation de monopole bancaire dans les parages, et la question d'espèce que tranche le juge ne peut pas arriver jusqu'à lui. L'affaire plus ancienne que cette loi ne contient pas cette question.
Les prêts en question entre la SA FUCHS et la société Back to bike, société fournie et endettée, avaient été cautionnés par les dirigeants de cette dernière. Poursuivis en paiement par la SA FUCHS, ces dirigeants cautions ont argué de la nullité du prêt pour éviter leur obligation de paiement. La cour d'appel les a entendus et, pour cette raison, voit le pourvoi prospérer et son arrêt cassé. Voilà à quoi peut servir la trompeuse expression de "monopole bancaire" : tromper le juge du fond qui y voit un principe large aux effets considérables au lieu de considérer les nuances et natures des textes... Sur renvoi, la cour d'appel saisie pourra encore constater la violation de l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier (CMF).
Toutefois, selon la jurisprudence ancienne de la Cour de cassation*, cette violation n'est pas une cause de nullité du contrat de prêt ; dans le titrage et résumé de cette décision de 2022, le précédent jurisprudentiel visé est celui de la chambre commerciale du 7 juin 2005 (mais ce dernier vise bien l'arrêt de principe de l'Assemblée plénière du 4 mars 2005). La règle violée est une règle d'organisation économique visant, désormais plus clairement, la stabilité financière (dont conformité et compliance sont les femmes de ménage...). La règle violée n'est pas une règle déontologique ou de bonne conduite ayant pour objet les contrats, mais une règle de réservation de certaines activités à diverses personnes (dont principalement les banques...).
Cette règle est posée dans l'intérêt général - l'organisation économique - ce qui fait volontiers parler, en France, d'ordre public économique (expression banalisée à notre sens, mais utile ici). Cette violation n'est donc pas une cause de nullité des obligations nées du contrat ou des contrats en cause : les cautions contractées ont donc pour objet une dette qui, valable, est due. Les cautions demeurent tenues, le spécialiste du droit des sûretés voudra peut-être prolonger l'analyse.
Sous l'aspect de droit bancaire en tout cas, l'arrêt est tout sauf une surprise.
La question du monopole bancaire, dont la doctrine parle plus que la pratique, la jurisprudence étant rare, ne servira donc pas non plus aux cautions... La réservation d'activités (dont celle du crédit) est une question d'organisation professionnelle : le prétendu "monopole bancaire" vise l'organisation économique et non la relation contractuelle. Les sociétés commerciales de tous bords (comme la SA FUCHS) ne doivent pas violer ces règles mais, en cas de violation, le client ne peut pas tirer parti de cette irrégularité - exactement comme la plupart des règles de conformité.
Les personnes qui s'estiment victimes d'une société qui fait des crédits irréguliers, voire d'un établissement agréé qui dépasse son propre agrément, et qui ainsi viole le CMF, devraient penser à une autre stratégie. Ces violations constituent également des infractions pénales pour lesquelles les victimes peuvent se constituer parties civiles.
Sinon, ces règles d'organisation professionnelle, en partie héritées de la loi dite bancaire de 1984, sont véritablement passionnantes pour postuler que le CMF (appliquant désormais le droit européen) sait définir le crédit (et les autres activités, comme les services de paiement).
L'article L. 311-1 (qui cite le crédit en opération de banque, donc réservée) et l'article ici en cause (L. 511-5, principe de l'interdiction) convergent vers l'énumération de l'article L. 313-1 du CMF**. A le lire, on croirait, par l'énumération faite, qu'on sait ce qu'est un crédit, ce que la doctrine laisse parfois croire. Or cela se discute car la notion ne comporte aucun critère !
En effet, le point le plus intéressant de ces textes - on quitte l'arrêt - réside donc dans l'identification du critère des activités ou services, réservés, donc ici du crédit. Selon nous, il reste inconnu (on l'a déjà écrit à plusieurs reprises ici ou ailleurs ; la barre de recherche du blog vous aidera), notamment dans l'affaire FREE c/ SFR. Il y a donc un champ extraordinaire pour trouver des financements qui ne soient pas des crédits réservés aux banques. Tout le monde industriel et commercial devrait s'interroger et trouver des financements qui ne sont pas des crédits réservés - mais on peut aussi attendre la dernière technique américaine pour se moderniser... Voilà, la créativité est chose rare, l'esprit continental n'y pousse pas nettement. SFR s'y était essayé avec la commercialisation de smartphones mais Free a fait juger que sa formule constituait un crédit.
A suivre... non sur le monopole, mais sur la créativité contractuelle et financière le dépassant !
_____________
* Th. Bonneau, Droit bancaire, 2017, p. 215, n° 291 et les notes. H. Causse,Droit bancaire et financier, 2016, p. 57, n° 63 et la jurisprudence citée (Cass. Assemblée plénière, 4 mars 2005).
** Article L 313-1
Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.
Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
_____________________
ARRÊT.
L'arrêt sur Legifrance, cliquez ici - les tirages et résumés sont reproduits ci-dessous
Titrages et résumés
BANQUE - Banquier - Exercice illégal de la profession - Sanction - Contrat de prêt - Nullité (non)
Aux termes de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel. Le seul fait qu'une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n'est pas de nature à en entraîner l'annulation
CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Nullité - Causes - Exclusion - Cas - Exercice illégal de l'activité de banquier
Précédents jurisprudentiels
Sur la sanction de l'exercice illégal de la profession de banquier, à rapprocher :
Com. 7 juin 2005, pourvoi n° 04-13.303, Bull. 2005, IV, n° 125 (cassation partielle).
Textes appliqués
Article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013.
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L'article L. 311-1 (qui cite le crédit en opération de banque, donc réservée) et l'article ici en cause (L. 511-5, principe de l'interdiction) convergent vers l'énumération de l'article L. 313-1 du CMF**. A le lire, on croirait, par l'énumération faite, qu'on sait ce qu'est un crédit, ce que la doctrine laisse parfois croire. Or cela se discute car la notion ne comporte aucun critère !
En effet, le point le plus intéressant de ces textes - on quitte l'arrêt - réside donc dans l'identification du critère des activités ou services, réservés, donc ici du crédit. Selon nous, il reste inconnu (on l'a déjà écrit à plusieurs reprises ici ou ailleurs ; la barre de recherche du blog vous aidera), notamment dans l'affaire FREE c/ SFR. Il y a donc un champ extraordinaire pour trouver des financements qui ne soient pas des crédits réservés aux banques. Tout le monde industriel et commercial devrait s'interroger et trouver des financements qui ne sont pas des crédits réservés - mais on peut aussi attendre la dernière technique américaine pour se moderniser... Voilà, la créativité est chose rare, l'esprit continental n'y pousse pas nettement. SFR s'y était essayé avec la commercialisation de smartphones mais Free a fait juger que sa formule constituait un crédit.
A suivre... non sur le monopole, mais sur la créativité contractuelle et financière le dépassant !
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* Th. Bonneau, Droit bancaire, 2017, p. 215, n° 291 et les notes. H. Causse,Droit bancaire et financier, 2016, p. 57, n° 63 et la jurisprudence citée (Cass. Assemblée plénière, 4 mars 2005).
** Article L 313-1
Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.
Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
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ARRÊT.
L'arrêt sur Legifrance, cliquez ici - les tirages et résumés sont reproduits ci-dessous
Titrages et résumés
BANQUE - Banquier - Exercice illégal de la profession - Sanction - Contrat de prêt - Nullité (non)
Aux termes de l'article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel. Le seul fait qu'une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n'est pas de nature à en entraîner l'annulation
CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Nullité - Causes - Exclusion - Cas - Exercice illégal de l'activité de banquier
Précédents jurisprudentiels
Sur la sanction de l'exercice illégal de la profession de banquier, à rapprocher :
Com. 7 juin 2005, pourvoi n° 04-13.303, Bull. 2005, IV, n° 125 (cassation partielle).
Textes appliqués
Article L. 511-5 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013.
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