Le compte de dépôt, un exemple d'incident : la saisie (Civ. 2e, 21 mars. 2019).



L'entrée en relation contractuelle avec une banque se fait par l'ouverture d'un compte. Ce moment contractuel peu varier notablement. Toutefois, il y a des standards et une tradition d'organiser le rapport contractuel avec divers documents contractuels - expression presque traditionnelle.

Le personnel de la banque est soucieux de donner des explications de tous ordres. Néanmoins, l'établissement n'est pas tenu d'une obligation de conseil qui serait générale et systématique. Sur ce point voyez cet décision très clair

Le-banquier-n-a-pas-d-obligation-de-conseil

Le compte est souvent l'occasion de litiges, pour des agios, pour des erreurs, pour des refus de payer une commission et pour son montant, pour des querelles entre les titulaires du compte ou des tiers, notamment en cas de saisie.

L'extrait d'arrêt rapporté ci-dessous montre un litige quant à un problème déjà cité sur ce blog. Celui de la propriété de sommes déposées, de la monnaie en cause. Propriété discutable puisque le dépôt irrégulier transfère la propriété de la somme à la banque.

L'arrêt ci-dessous parle bien de propriétaire des sommes déposées, comme cent autres, ce qui contredit le dépôt irrégulier qui l'attribue à la banque.

Or on prétend en général qu'il y a dépôt irrégulier !

Notre interprétation du contrat de dépôt et du Code monétaire et financier permet de parler du propriétaire des sommes déposées (1).

La décision relate la mission de l'huissier qui dénonce la saisie et qui doit être pleinement informé par l'établissement de la situation du client.

La décision se contente de dire que la saisie peut porter sur la totalité des sommes enregistrées sur les comptes d'un client de la banque... en outre, la totalité du compte joint entre deux personnes est saisissable, "sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l'assiette de la saisie".

La règle de la charge de la preuve solutionne la plupart des litiges (pour les étourdis : celui qui invoque un fait ou un droit doit, de principe, le prouver).

La personne saisie doit donc agir et prouver le caractère propre des sommes (par exemple monsieur prouvera le caractère propre de sommes appartenant à madame) ; naturellement, madame le pourra elle-même !




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(1) On a dit ici, plus haut, sur ce blog, le caractère très artificiel de l'idée de propriété des clients sur les sommes déposées. Les faillites de banque en période de crise financière le montrent bien. Le client est totalement dépourvu (du moins avant l'intervention du Fonds de garantie).

La doctrine française ne tranche pas la difficulté et nous avons donc suggéré de le faire en tenant compte de la nature de droit réel de la banque sur les dépôts (voyez Droit bancaire et financier, 2016, p. 297, n° 516).

Avec cette thèse, le déposant reste propriétaire mais sans avoir la totale substance de la chose, ce qui le rapproche d'un créancier. Le droit de disposer des sommes, prévu par le CMF, atteste du caractère spécial du dépôt, lequel dénie donc le jeu du droit civil (le transfert de propriété des choses fongibles telles la monnaie).

Le déposant est donc un propriétaire mais sans la chose...

Bon, tout ceci exige d'être assez pointu.

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Extrait de décision empruntée à la Base Legifrance.

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 21 mars 2019
N° de pourvoi: 18-10408
Publié au bulletinCassation partielle

Mme Flise (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)


Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant d'un jugement, assorti de l'exécution provisoire et ultérieurement partiellement confirmé, ayant condamné Mme G... à lui payer diverses sommes, la société CA Consumer finance a fait procéder, les 4 février et 3 avril 2015, à la saisie-attribution de comptes bancaires ouverts au nom de Mme G... auprès de la Caisse d'épargne de Picardie ; que par actes des 16 mars et 20 avril 2015, Mme G... a fait assigner la société CA Consumer finance à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester ces saisies-attributions, qui lui avaient été respectivement dénoncées les 5 février et 9 avril 2015 ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme G... fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses autres demandes ayant trait à la procédure de saisie-attribution diligentée par procès-verbal en date du 3 avril 2015, de la débouter de sa demande de report des sommes dues et d'imputation des paiements sur le capital et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque le créancier fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom de deux cotitulaires dont seulement l'un est son débiteur, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de son débiteur ; qu'en retenant qu'il appartenait au cotitulaire non débiteur de démontrer que les fonds au crédit du compte sur lequel avait été pratiquée la saisie-attribution lui appartenaient en propre, quand il incombait à la société CA Consumer finance de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom de Mme G... et de M. H... étaient personnels à Mme G..., sa débitrice, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'acte de saisie-attribution pratiqué entre les mains d'un établissement habilité à tenir des comptes de dépôt porte sur l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d'argent de ce dernier contre cet établissement ; que dans le cas d'un compte joint, cet établissement étant débiteur de la totalité du solde de ce compte à l'égard de chacun de ses cotitulaires, l'effet attributif de la saisie s'étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur, sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l'assiette de la saisie ;

Qu'ayant constaté qu'il n'était pas établi que les fonds se trouvant sur le compte joint dont M. H..., concubin de Mme G..., était le cotitulaire, lui appartenaient en propre, c'est à bon droit que la cour d'appel a débouté Mme G... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 3 avril 2015 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

..."

L'arrêt d'appel est néanmoins cassé sur le moyen suivant...


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