Le Haut conseil de la stabilité financière (HCSF) "légifère" sur la durée des contrats de crédit.



La régulation n'est pas un mot imprécis sur un vague mouvement. Elle n'est pas seulement un Droit, le Droit de la régulation - qui n'a pas encore sa doctrine unitaire et propre, et admise. La régulation est aussi un phénomène politique très perturbant (et on ne le tait pas pour rien !).

Il est aussi à notre sens un pouvoir : le pouvoir de la régulation.

Le cas montre ici ce pouvoir de régulation, sa nature, son niveau et son jeu. Non sans reposer sur le Droit de la régulation.

Le HCSF empiète tranquillement sur le pouvoir législatif en limitant la durée des contrats de crédit à 25 ans. Il empiète ainsi sur le domaine de la loi qui, seule, et par le Parlement, a en charge le droit des obligations. Le droit des contrats.

On voit là que le HCSF incarne le pouvoir de régulation, le 4e pouvoir qui joue de façon manifeste au plan constitutionnel. Pour s'appuyer et se nourrir des trois pouvoirs de Montesquieu, pour aussi les amoindrir et les transformer. Sans presque nul débat (sauf la loi proposé par Jacques Mézard qui a effleuré la question avec les autorités).

Voilà la grande mutation constitutionnelle du début du siècle : l'affirmation, précise et invasive des Autorités de régulation qui écartent les autres pouvoirs pour prendre sa place.

Pourquoi lui, le HCSF, et non l'ACPR ? Parce qu'elle n'a pas de pouvoir réglementaire.

N'entrons pas dans le détail des conséquences d'une telle décision, des multiples recours et exceptions qu'elle peut susciter. Ce qui nous importe ici est de mettre en garde les soldats de la conformité qui courbent et plient. Signalons aux acteurs qu'ils sont pris dans un maillage qui peut être discuté. Au plan des principes juridiques, et loin du management et des politiques de communication...



PS... je vous laisse chercher dans Google le concept de "pouvoir de régulation", que cette expression de trois mots désigne.

Source pour ce texte du HCSF :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044178669
Le Haut conseil de la stabilité financière (HCSF) "légifère" sur la durée des contrats de crédit.

Décision du 29 septembre 2021 relative aux conditions d'octroi de crédits immobiliers

Le Haut Conseil de stabilité financière,
Vu le code des assurances, notamment ses articles L. 241-1 et L. 242-1 ;
Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 313-1 et L. 311-1 ;
Vu le code de la construction et de l'habitation, notamment ses articles L. 31-10-3, L. 221-1, L. 231-1, L. 232-1 et L. 261-3 ;
Vu le code général des impôts, notamment ses articles 10, 11, 156, 156 bis et 199 novovicies ;
Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 511-1, L. 511-30 et le 5° de l'article L. 631-2-1 ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment son article L. 331-1 ;
Vu la recommandation n° 2019/12 du Comité européen du risque systémique du 27 juin 2019 sur les vulnérabilités à moyen terme dans le secteur de l'immobilier résidentiel en France (CERS/2019/12) ;
Vu la recommandation n° R-HCSF-2021-1 relative à l'octroi de crédits immobiliers résidentiels en France du 27 janvier 2021 ;
Vu la proposition du Gouverneur de la Banque de France au Haut Conseil de stabilité financière en date du 8 septembre 2021 ;
Considérant que l'endettement des ménages est passé de 53,4 % du revenu disponible brut à 100,9% entre le 1er trimestre 2001 et le 1er trimestre 2021 et que le crédit à l'habitat contribue significativement à cette dynamique ;
Considérant que la robustesse du modèle de financement du logement prévalant en France s'appuie sur des bonnes pratiques que constituent en particulier la maitrise du taux d'effort des emprunteurs et le caractère raisonnable de la maturité ;
Considérant que le niveau d'endettement atteint conjugué à la dégradation tendancielle des conditions d'octroi observée depuis 2015 est de nature à fragiliser les ménages ;
Considérant le besoin de pérenniser un octroi prudent de crédit à l'habitat compte-tenu du niveau d'endettement atteint ;
Considérant le 5° de l'article L. 631-2-1 du code monétaire et financier selon lequel le Haut Conseil de stabilité financière peut, en vue de prévenir un endettement excessif des agents économiques, fixer des conditions d'octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel,
Décide :

Article 1


Outre leurs critères propres, les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier appliquent les critères d'octroi cumulatifs suivants en matière de crédit immobilier :
(i) le taux d'effort des emprunteurs de crédit immobilier n'excède pas 35 % ;
(ii) la maturité du crédit n'excède pas 25 ans.
Dans les cas suivants induisant une entrée en jouissance du bien décalée par rapport à l'octroi du crédit, un différé d'amortissement d'une durée analogue à celle de ce décalage est toléré dans la limite d'une maturité maximale de 27 ans et d'une période d'amortissement ne pouvant excéder 25 ans :


- les crédits immobiliers liés à une vente en l'état futur d'achèvement, au sens de l'article L. 261-3 du code de la construction et de l'habitation, ou dans le cadre d'un contrat de construction d'une maison individuelle, au sens des articles L. 231-1 et L. 232-1 du même code, ou dans le cadre d'un contrat de promotion, au sens de l'article L. 221-1 du même code ;
- les crédits immobiliers liés à des acquisitions dans l'ancien donnant lieu à un programme de travaux dont le montant représente au moins 25% du coût total de l'opération et qui a pour objet la création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes, la modernisation, l'assainissement ou l'aménagement des surfaces habitables ou des surfaces annexes, la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
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Article 2


Les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent déroger aux critères mentionnés à l'article 1er pour une marge de flexibilité pouvant aller jusqu'à 20 % de la production de nouveaux crédits immobiliers de chaque trimestre civil.
Au moins 80 % de la flexibilité maximale sera réservée aux acquéreurs de leur résidence principale avec au moins 30 % de la flexibilité maximale réservée aux primo-accédants. Les 20 % restants de flexibilité maximale, soit 4% de la production trimestrielle, sont libres d'utilisation.
Cette dérogation devra pouvoir être justifiée dans le cadre d'une politique écrite du prêteur.
Pour les établissements de crédit et les sociétés de financement affiliés à un organe central visé par l'article L. 511-30 du code monétaire et financier, la marge de flexibilité peut être utilisée sur une base agrégée au niveau de l'ensemble des affiliés, sous le contrôle de l'organe central.
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Article 3


La présente décision s'applique aux contrats de crédit mentionnés à l'article L. 313-1 du code de la consommation consentis à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d'actifs localisés sur le territoire français, à l'exception des crédits relais tels que définis au 16° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, des crédits faisant l'objet d'une renégociation, de ceux consentis pour le remboursement anticipé d'un crédit souscrit auprès d'un autre établissement de crédit, autrement appelés rachats externes, et de ceux résultant d'un regroupement de crédits.
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Article 4


Pour l'application de la présente décision, on entend par :
« Production trimestrielle de nouveaux crédits immobiliers » : le montant total, tel que défini au 10° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, des nouveaux crédits immobiliers, tels que définis à l'article 3, mis en place au cours d'un trimestre civil.
« Résidence principale » : la résidence de l'emprunteur ou des co-emprunteurs est son lieu d'imposition au sens des articles 10 et 11 du code général des impôts.
« Revenus annuels » : le revenu net avant impôt de l'emprunteur (ou à la somme des revenus nets avant impôt des co-emprunteurs le cas échéant) calculé comme le revenu net global tel que défini aux articles 156 et 156 bis du code général des impôts, majoré des abattements forfaitaires non déjà pris en compte et minoré des revenus exceptionnels, c'est-à-dire les revenus qui par leur nature ne sont pas susceptibles de constituer une ressource stable et récurrente, mobilisable pour faire face aux charges d'emprunt. Toutefois, s'agissant des revenus fonciers, y compris le cas échéant les loyers futurs tirés de la location du bien faisant l'objet du crédit, le revenu à prendre en compte est le revenu brut avant déduction d'éventuels abattements fiscaux et charges, y compris intérêts d'emprunts et assurance emprunteur, auquel il doit être appliqué des décotes par les établissements de crédit afin de refléter le risque locatif. Les revenus annuels peuvent, le cas échéant, être majorés du montant annualisé des réductions d'impôts accordées dans le cadre du dispositif prévu à l'article 199 novovicies du code général des impôts, dès lors que le crédit immobilier sur lequel porte la décision d'octroi est concerné par le dispositif précité.
« Charges annuelles d'emprunt » : la somme des différents montants totaux dus par l'emprunteur (ou les co-emprunteurs, le cas échéant), tels que définis au 9° de l'article L. 311-1 du code de la consommation, pour une année donnée. Dans le cas d'un prêt relais (défini au 16° de l'article L. 311-1 du code de la consommation) le remboursement du capital est exclu des charges annuelles d'emprunt.
« Taux d'effort » : le ratio comprenant au numérateur les charges annuelles d'emprunt associées à l'endettement total de l'emprunteur (ou des co-emprunteurs, le cas échéant) comprenant le prêt considéré et l'ensemble des emprunts en cours, quelle qu'en soit leur nature, et au dénominateur les revenus annuels. Il s'apprécie en prenant les charges annuelles d'emprunt maximales sur l'ensemble de la période d'amortissement des crédits ramenées aux revenus annuels appréciés à l'octroi.
« Maturité du crédit à l'octroi » : la durée initiale du crédit, en années. Elle est la somme de la durée de la période de différé, qui débute lors du premier décaissement et se termine à la première échéance donnant lieu à un remboursement du capital emprunté, et de la durée de la période d'amortissement, qui débute lors du premier remboursement du capital emprunté et se termine lorsque le crédit est entièrement remboursé.
« Coût total d'une opération » : ce coût comprend :


- la charge foncière ou la charge immobilière, les honoraires de géomètre et les taxes afférentes, à l'exclusion des frais d'acte notarié et des droits d'enregistrement pour les terrains à bâtir ou les immeubles anciens ;
- les coûts d'aménagement et de viabilisation du terrain et les honoraires afférents ;
- le coût des travaux, y compris les honoraires liés à leur réalisation ou leur certification, à l'exception des montants financés au moyen de l'avance prévue au chapitre IX du code de la construction et de l'habitat ;
- les honoraires de négociation restant, le cas échéant, à la charge de l'acquéreur ;
- les frais relatifs à l'assurance de responsabilité mentionnée à l'article L. 241-1 du code des assurances ou à l'assurance de dommages mentionnée à l'article L. 242-1 du même code ;
- la taxe d'aménagement mentionnée à l'article L. 331-1 du code de l'urbanisme.


Si le terrain destiné à la construction a été acquis depuis moins de deux ans à la date d'émission de l'offre de prêt, sa valeur d'acquisition peut être prise en compte dans le coût de l'opération. En cas d'acquisition d'un bien dont une partie est destinée à un autre usage que l'habitation à titre de résidence principale de l'emprunteur, le coût d'opération ne concerne que les surfaces affectées au logement.
« Primo-accédant » : emprunteur (ou co-emprunteurs le cas échéant) en accession à la première propriété, au sens de l'article L. 31-10-3 du code de la construction et de l'habitation.
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Article 5


La présente décision entre en vigueur le 1er janvier 2022. Elle s'applique à tous les nouveaux crédits définis à l'article 3 dont le premier décaissement est effectué à partir de cette même date.
Elle sera publiée au Journal officiel de la République française et sur le site internet du Haut Conseil de stabilité financière.

Article 6
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est chargée de veiller à la mise en œuvre de cette décision.

Fait le 29 septembre 2021.

Le président du Haut Conseil de stabilité financière, ministre de l'économie, des finances et de la relance,
Bruno Le Maire
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