Le Droit des services de paiement est plus global que le Droit bancaire. Il englobe nombre d'opérateurs officiels par-delà les banques - par-delà le Droit bancaire. Ce nouveau droit s'appuiera demain sur la branche "Droit monétaire" pour aller rattraper, le cas échéant, les blockchains à vocation monétaires.
Le Droit bancaire a vécu. Nous l'avons tant aimé.
Cette position n'enlève rien à l'intérêt de l'étude de la matière au sens large, ni au sens étroit du reste (mais avec des réserves ou précisions méthodologiques). Au contraire, puisqu'elle est rendue plus complexe par l'existence de davantage d'acteurs agréés, enregistrés, surveillé, par davantage d'autorités... et ce pour davantage de contrats et pour davantage de services.
Mais enfin les choses sont ainsi, la pesanteur du droit, la force d'inertie dont il se nourrit (la stabilité de la règle), déteint sur la matière. Personne ne veut porter en terre le Droit bancaire qui a pourtant droit à un repos bien mérité.
Nous faisons nous-même dans la demi-mesure. A peine sommes-nous d'accord avec notre vision d'un "Droit bancaire et financier" *. Cet intitulé semble écarter la monnaie (j'ai crains de repousser nombre de lecteurs) ; cet intitulé, en outre, pousse au fond à ne pas éclairer la finance des assurances (j'ai crains de me perdre) et on se demande s'il désigne un peu la finance d'entreprise (encore incluse dans le droit des sociétés).
Il faudrait parler de Droit financier mais il y a de la concurrence.
Pour le droit privé, le droit des marchés financiers, le douzième du Code monétaire et financier, se fait parfois appeler Droit financier - la finance sans un mot sur la monnaie : impossible.
Mais le mot financier claque, il séduit et impressionne sinon ne convainc dans cet emploi.
Pour le droit public c'est pareil : le droit budgétaire a beaucoup souffert (ou ses auteurs ?) de ne pas être désigné par un mot qui serve mieux sa prétention, étatique, le mot financier est plus aguichant. On l'adopte. On en viendrait à oublier sa composante fiscale voire son enveloppe fiscale. Cette dernière difficulté peut dériver dans l'expédient d'un droit public financier.
Les emprunts sont factices, ni le premier ni le second ne sont le moyen de définit "la finance", concept d'un emploi courant et scientifique (dans diverses sciences sociales). C'est que pour cela, justement, il faut une vue qui ne cède pas au dogmatisme du clivage entre le droit public et le droit privé.
Avis aux pénalistes qui pourraient vouloir détailler le Droit pénal financier... vos frontières seront arbitraires puisque la matière (financière) n'a jamais été délimitée. Ce n'est pas juste un fait de la littérature. La finance n'a pas été définie car l'entreprise est délicate et qui vaut mieux l'ignorer que d'avoir à en dire :
- le critère ;
- le domaine.
Naturellement, ces mots louent la liberté de tous d'écrire ce que l'on veut.
Je loue ceux qui écrivent en droit bancaire ou du droit bancaire. C'est une opportunité. Penser, c'est penser contre rappelle le Prof. Tobie NATHAN **. Il faut donc du "contre" : il faut encore du "droit bancaire" ou des études "en droit bancaire" ou "de droit bancaire" pour pointer l'insuffisance du domaine et de la matière invoquée.
Tout cela est très idéologique penserons nombre de lecteurs. Eh oui, la doctrine peut encore exister sans se cantonner à l'expression du droit positif. Oui. Très idéologique.
Mais très pratique aussi.
Nombre de solutions tenant au Code monétaire et financier, au Code des assurances, parfois au Code pénal, souvent au Code civil, ne se comprennent pas (dans la loi ou dans un arrêt) sans une vue globale du droit applicable à toute la finance. Du moins si l'on veut aller un peu au-delà du jeu mécanique de la règle. Jeu par ailleurs si souvent merveilleux.
Les applications imparfaites et creuses sont nombreuses qui ignorent qu'un banquier n'est pas assureur, qu'un banquier n'est pas PSI, qu'un assureur peut-être assimilé à un PSI, qu'un conseiller en gestion de patrimoine n'est pas PSI, qu'une société de financement peut être PSP... et, chaque semestre, la prolifération de statuts et des opérations multiplie les difficultés.
La finance, le mot adoré de toutes les matières en poupe (science de gestion, économie, sociologie...), est oublié des juristes. Généralités ? Que nenni !
Exemples récents sur lesquels j'ai travaillé :
- les ICO, émissions pour lancer des blockchains ; on les fait tomber dans la finance... je n'ai pas vu d'analyse considérant le principe ; mais l'exemple n'est pas le plus curieux ;
- la location financière, des banques et d'autres, c'est de la location simple ; la loi (bancaire, le CMF) le dit ; mais alors où est, là-dedans, dans cette simple location, la finance que porte l'expression tant utilisée de location financière ?
- le crédit, voilà une affaire d'argent, de monnaie, pas même ; personne ne peut donner aujourd'hui le critère du crédit qui délimite les actes et personnes habilitées ; on peut certes appliquer la loi, c'est encore heureux, mais la loi est une énumération (du reste incomplète...), de différents actes valant crédit ; point de définition générale ou, je le redis, de critère. L'entreprise qui voudrait innover en technique de financement est dans l'incertitude si elle est très inventive.
Certains s'y perdent car ils n'ont pas la vue globale qui part de l'émission de monnaie par la BCE jusqu'à leur découvert en banque, en passant par les marchés. Et plus cela ira, plus l'on s'y perdra. .
Depuis 25 ans je suis étonné de l'indifférence des juristes à la considération de l'unité, au moins du Code monétaire et financier que l'on a sous le nez. Rien n'y fait. Il me faut relire Paul Le Cannu, le droit financier existe-t-il, s'interrogeait-il alors ? Si la finance existe, alors le droit financier existe.
Ce n'est que de la tombe que je verrai le mouvement unificateur qui donnera un peu de crédit aux juristes. La finance aura-t-elle alors porté le développement de l'Humanité sans le droit ? C'est probable. Les règles d'un nouveau paradigme viendront quant à elles sans doute trop tard pour être très profitable au genre humain.
Mais le combat continue au quotidien pour former les étudiants !
Ils doivent avoir une chance de trouver une voie dans le secteur financier (lato sensu). Demain la moitié de l'économie !
Leur dire d'où tombe la lettre de change, d'où viennent les titres sur un PEA, d'où vient l'argent que la banque prête, d'où viennent les négociations en bourse... tout cela leur permet de posséder les cadres généraux (il faudrait un article sur les structures fondamentales de la finance) que les économistes négligent souvent - ils aident peu les juristes.
Les étudiants peuvent alors opérer sur le détail, le contrat, la responsabilité, la sanction... Ils peuvent s'engager dans un monde qu'ils comprennent mieux, voir bien pour les plus travailleurs.
Ils comprennent mieux les opérations en comprenant les cadres. Ils se préparent à changer de métier sans quitter le vaste secteur de la finance. Ils savent avant de s'engager dan leur premier emploi qu'ils ont à travailler des secteurs voisins pour se reconvertir, quand il seront usés, quand ils souhaiteront évoluer, quand un crise leur imposera de s'adapter.
Quelle liberté cela donne que de dire que le droit bancaire se termine !
Quelle force d'analyse aussi. Alors on peut comprendre l'éternité du compte courant, de la compensation, la force et la pertinence de la liberté contractuelle du banquier qui prête ou pas, on voit la carte virtuelle (il n'y a pas de carte !) qu'on appelle encore carte bancaire, on saisit la subtilité d'une reconnaissance de dette au porteur qui taquine le mystificateur "droit du change", on voit les OPC et leurs compartiments encore jouer avec la théorie classique du patrimoine...
L'affaire est entendue, le déclin du droit bancaire au profit d'une nouvelle matière n'exige qu'un court-métrage. Sur fond de numérique... of course !
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* I am looking for sponsors to republish my book, "Droit bancaire et financier" (2016) in six months. This new edition will include a wider definition of finance and will address the issues of blockchain and ICOs, as well as many other subjects.
** Tobie Nathan, écrivain, psychologue et ethnopsychiatre, signe « Les âmes errantes » aux éditions L'Iconoclaste. Signalé dans l'émission La Grande Librairie.
Cela étant dit, comme toute méthode, "penser contre" devient parfois un travers et une facilité. On soutient parfois l'inverse de tous davantage pour se singulariser que pour apporter.
Le Droit bancaire a vécu. Nous l'avons tant aimé.
Cette position n'enlève rien à l'intérêt de l'étude de la matière au sens large, ni au sens étroit du reste (mais avec des réserves ou précisions méthodologiques). Au contraire, puisqu'elle est rendue plus complexe par l'existence de davantage d'acteurs agréés, enregistrés, surveillé, par davantage d'autorités... et ce pour davantage de contrats et pour davantage de services.
Mais enfin les choses sont ainsi, la pesanteur du droit, la force d'inertie dont il se nourrit (la stabilité de la règle), déteint sur la matière. Personne ne veut porter en terre le Droit bancaire qui a pourtant droit à un repos bien mérité.
Nous faisons nous-même dans la demi-mesure. A peine sommes-nous d'accord avec notre vision d'un "Droit bancaire et financier" *. Cet intitulé semble écarter la monnaie (j'ai crains de repousser nombre de lecteurs) ; cet intitulé, en outre, pousse au fond à ne pas éclairer la finance des assurances (j'ai crains de me perdre) et on se demande s'il désigne un peu la finance d'entreprise (encore incluse dans le droit des sociétés).
Il faudrait parler de Droit financier mais il y a de la concurrence.
Pour le droit privé, le droit des marchés financiers, le douzième du Code monétaire et financier, se fait parfois appeler Droit financier - la finance sans un mot sur la monnaie : impossible.
Mais le mot financier claque, il séduit et impressionne sinon ne convainc dans cet emploi.
Pour le droit public c'est pareil : le droit budgétaire a beaucoup souffert (ou ses auteurs ?) de ne pas être désigné par un mot qui serve mieux sa prétention, étatique, le mot financier est plus aguichant. On l'adopte. On en viendrait à oublier sa composante fiscale voire son enveloppe fiscale. Cette dernière difficulté peut dériver dans l'expédient d'un droit public financier.
Les emprunts sont factices, ni le premier ni le second ne sont le moyen de définit "la finance", concept d'un emploi courant et scientifique (dans diverses sciences sociales). C'est que pour cela, justement, il faut une vue qui ne cède pas au dogmatisme du clivage entre le droit public et le droit privé.
Avis aux pénalistes qui pourraient vouloir détailler le Droit pénal financier... vos frontières seront arbitraires puisque la matière (financière) n'a jamais été délimitée. Ce n'est pas juste un fait de la littérature. La finance n'a pas été définie car l'entreprise est délicate et qui vaut mieux l'ignorer que d'avoir à en dire :
- le critère ;
- le domaine.
Naturellement, ces mots louent la liberté de tous d'écrire ce que l'on veut.
Je loue ceux qui écrivent en droit bancaire ou du droit bancaire. C'est une opportunité. Penser, c'est penser contre rappelle le Prof. Tobie NATHAN **. Il faut donc du "contre" : il faut encore du "droit bancaire" ou des études "en droit bancaire" ou "de droit bancaire" pour pointer l'insuffisance du domaine et de la matière invoquée.
Tout cela est très idéologique penserons nombre de lecteurs. Eh oui, la doctrine peut encore exister sans se cantonner à l'expression du droit positif. Oui. Très idéologique.
Mais très pratique aussi.
Nombre de solutions tenant au Code monétaire et financier, au Code des assurances, parfois au Code pénal, souvent au Code civil, ne se comprennent pas (dans la loi ou dans un arrêt) sans une vue globale du droit applicable à toute la finance. Du moins si l'on veut aller un peu au-delà du jeu mécanique de la règle. Jeu par ailleurs si souvent merveilleux.
Les applications imparfaites et creuses sont nombreuses qui ignorent qu'un banquier n'est pas assureur, qu'un banquier n'est pas PSI, qu'un assureur peut-être assimilé à un PSI, qu'un conseiller en gestion de patrimoine n'est pas PSI, qu'une société de financement peut être PSP... et, chaque semestre, la prolifération de statuts et des opérations multiplie les difficultés.
La finance, le mot adoré de toutes les matières en poupe (science de gestion, économie, sociologie...), est oublié des juristes. Généralités ? Que nenni !
Exemples récents sur lesquels j'ai travaillé :
- les ICO, émissions pour lancer des blockchains ; on les fait tomber dans la finance... je n'ai pas vu d'analyse considérant le principe ; mais l'exemple n'est pas le plus curieux ;
- la location financière, des banques et d'autres, c'est de la location simple ; la loi (bancaire, le CMF) le dit ; mais alors où est, là-dedans, dans cette simple location, la finance que porte l'expression tant utilisée de location financière ?
- le crédit, voilà une affaire d'argent, de monnaie, pas même ; personne ne peut donner aujourd'hui le critère du crédit qui délimite les actes et personnes habilitées ; on peut certes appliquer la loi, c'est encore heureux, mais la loi est une énumération (du reste incomplète...), de différents actes valant crédit ; point de définition générale ou, je le redis, de critère. L'entreprise qui voudrait innover en technique de financement est dans l'incertitude si elle est très inventive.
Certains s'y perdent car ils n'ont pas la vue globale qui part de l'émission de monnaie par la BCE jusqu'à leur découvert en banque, en passant par les marchés. Et plus cela ira, plus l'on s'y perdra. .
Depuis 25 ans je suis étonné de l'indifférence des juristes à la considération de l'unité, au moins du Code monétaire et financier que l'on a sous le nez. Rien n'y fait. Il me faut relire Paul Le Cannu, le droit financier existe-t-il, s'interrogeait-il alors ? Si la finance existe, alors le droit financier existe.
Ce n'est que de la tombe que je verrai le mouvement unificateur qui donnera un peu de crédit aux juristes. La finance aura-t-elle alors porté le développement de l'Humanité sans le droit ? C'est probable. Les règles d'un nouveau paradigme viendront quant à elles sans doute trop tard pour être très profitable au genre humain.
Mais le combat continue au quotidien pour former les étudiants !
Ils doivent avoir une chance de trouver une voie dans le secteur financier (lato sensu). Demain la moitié de l'économie !
Leur dire d'où tombe la lettre de change, d'où viennent les titres sur un PEA, d'où vient l'argent que la banque prête, d'où viennent les négociations en bourse... tout cela leur permet de posséder les cadres généraux (il faudrait un article sur les structures fondamentales de la finance) que les économistes négligent souvent - ils aident peu les juristes.
Les étudiants peuvent alors opérer sur le détail, le contrat, la responsabilité, la sanction... Ils peuvent s'engager dans un monde qu'ils comprennent mieux, voir bien pour les plus travailleurs.
Ils comprennent mieux les opérations en comprenant les cadres. Ils se préparent à changer de métier sans quitter le vaste secteur de la finance. Ils savent avant de s'engager dan leur premier emploi qu'ils ont à travailler des secteurs voisins pour se reconvertir, quand il seront usés, quand ils souhaiteront évoluer, quand un crise leur imposera de s'adapter.
Quelle liberté cela donne que de dire que le droit bancaire se termine !
Quelle force d'analyse aussi. Alors on peut comprendre l'éternité du compte courant, de la compensation, la force et la pertinence de la liberté contractuelle du banquier qui prête ou pas, on voit la carte virtuelle (il n'y a pas de carte !) qu'on appelle encore carte bancaire, on saisit la subtilité d'une reconnaissance de dette au porteur qui taquine le mystificateur "droit du change", on voit les OPC et leurs compartiments encore jouer avec la théorie classique du patrimoine...
L'affaire est entendue, le déclin du droit bancaire au profit d'une nouvelle matière n'exige qu'un court-métrage. Sur fond de numérique... of course !
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* I am looking for sponsors to republish my book, "Droit bancaire et financier" (2016) in six months. This new edition will include a wider definition of finance and will address the issues of blockchain and ICOs, as well as many other subjects.
** Tobie Nathan, écrivain, psychologue et ethnopsychiatre, signe « Les âmes errantes » aux éditions L'Iconoclaste. Signalé dans l'émission La Grande Librairie.
Cela étant dit, comme toute méthode, "penser contre" devient parfois un travers et une facilité. On soutient parfois l'inverse de tous davantage pour se singulariser que pour apporter.