Humanisme et raison juridique, #directdroit par Hervé CAUSSE

La finance non-bancaire, ou les frontières du financement : un enfer pour l'étudiant et quelques professionnels !



La finance non-bancaire, ou les frontières du financement : un enfer pour l'étudiant et quelques professionnels !
L'habitude doctrinale et de la pratique de parler de "monopole bancaire" n'a jamais eu grand sens, puisqu'il n'y a aucun monopole, et encore moins, si l'on peut dire après ce propos, depuis 30 ans.

Les opérations de financement permises à des personnes qui ne sont pas établissements de crédit (banques) sont légion.

Les opérations ou types d'opérations permis, c'est-à-dire les contrats, outre la considération de la personne, sont également nombreux.

Tous les crédits faits sans rémunération ne dépassent pas non plus les limites du Code monétaire et financier.

La réglementation bancaire est largement fondée sur la protection de la monnaie et la politique monétaire (avoir assez mais pas trop de monnaie et qui circule bien), soit sur les EC (essentiellement les banques). Par définition, les établissements de crédit (EC), simultanément, prennent des dépôts du public et font du crédit. L'interdiction de faire du crédit (on passe ici sur les dépôts) vise seulement à soumettre à ce régime juridique des EC, et non à conférer à quiconque un quelconque monopole.

Rappelons l'interdiction.

"Article L. 511-5 (mod. ord. n°2013-544 du 27 juin 2013 - art. 4)
Il est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel.
Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement.
"

Parler de monopole est commode car la liste des opérations et situations censées constituer ce monopole est plus courte à présenter et expliquer que celles montrant la latitude d'une personne ou société ordinaire à se financer sans banque (ou établissement assimilé).

Deux articles, dont la rédaction alourdie et allongée laisse désormais à désirer, établissent la situation complexe dans laquelle un opérateur économique se trouve pour se financer. Ici, la lisibilité du droit est nulle pour le commun des mortels.




Lecture ! On étale le dispositif sur plusieurs lignes pour le rendre lisible.

"Article L. 511-6

Sans préjudice des dispositions particulières qui leur sont applicables,

les interdictions définies à l'article L. 511-5 ne concernent

ni les institutions et services énumérés à l'article L. 518-1, [ex. La Poste]

ni les entreprises régies par le code des assurances, ni les sociétés de réassurance, ni les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale,

ni les organismes agréés soumis aux dispositions du livre II du code de la mutualité,

ni les entreprises d'investissement,

ni les établissements de monnaie électronique,

ni les établissements de paiement,

ni les organismes collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction pour les opérations prévues par le code de la construction et de l'habitation,

ni les OPCVM ni les FIA relevant des paragraphes 1, 2, 3 et 6 de la sous-section 2, et des sous-sections 3, 4 et 5 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II. [OPCVM en acronyme dans la loi]

L'interdiction relative aux opérations de crédit ne s'applique pas :

1. Aux organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leur ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs ressortissants ;

2. Aux organismes qui, pour des opérations définies à l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation, et exclusivement à titre accessoire à leur activité de constructeur ou de prestataire de services, consentent aux personnes physiques accédant à la propriété le paiement différé du prix des logements acquis ou souscrits par elles ;

3. Aux entreprises qui consentent des avances sur salaires ou des prêts de caractère exceptionnel consentis pour des motifs d'ordre social à leurs salariés ;

3 bis. Aux sociétés par actions ou aux sociétés à responsabilité limitée dont les comptes font l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à moins de deux ans à des microentreprises, des petites et moyennes entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des liens économiques le justifiant. L'octroi d'un prêt ne peut avoir pour effet d'imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux définis aux articles L. 441-6 et L. 443-1 du code de commerce. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et les limites dans lesquelles ces sociétés peuvent octroyer ces prêts.

Les prêts ainsi accordés sont formalisés dans un contrat de prêt, soumis, selon le cas, aux articles L. 225-38 à L. 225-40 ou aux articles L. 223-19 et L. 223-20 du même code. Le montant des prêts consentis est communiqué dans le rapport de gestion et fait l'objet d'une attestation du commissaire aux comptes selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat.

Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les créances détenues par le prêteur ne peuvent, à peine de nullité, être acquises par un organisme de titrisation mentionné à l'article L. 214-168 du présent code ou un fonds professionnel spécialisé mentionné à l'article L. 214-154 ou faire l'objet de contrats constituant des instruments financiers à terme ou transférant des risques d'assurance à ces mêmes organismes ou fonds.

4. Abrogé ;

5. Aux associations sans but lucratif et aux fondations reconnues d'utilité publique accordant sur ressources propres et sur ressources empruntées des prêts pour la création, le développement et la reprise d'entreprises dont l'effectif salarié ne dépasse pas un seuil fixé par décret ou pour la réalisation de projets d'insertion par des personnes physiques.

Ces associations et fondations ne sont pas autorisées à procéder à l'offre au public d'instruments financiers. Elles peuvent financer leur activité par des ressources empruntées auprès des établissements de crédit, des sociétés de financement et des institutions ou services mentionnés à l'article L. 518-1. Elles peuvent également financer leur activité par des ressources empruntées, à titre gratuit et pour une durée qui ne peut être inférieure à deux ans, auprès de personnes morales autres que celles mentionnées au présent alinéa ou auprès de personnes physiques, dûment avisées des risques encourus.

Ces associations et fondations sont habilitées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Elles indiquent dans leur rapport annuel le montant et les caractéristiques des prêts qu'elles financent ou qu'elles distribuent répondant à la définition visée au III de l'article 80 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et bénéficiant à ce titre de garanties publiques.

6. Aux personnes morales pour les prêts participatifs qu'elles consentent en vertu des articles L. 313-13 à L. 313-17 et aux personnes morales mentionnées à l'article L. 313-21-1 pour la délivrance des garanties prévues par cet article ;

7. Aux personnes physiques qui, agissant à des fins non professionnelles ou commerciales, consentent des prêts dans le cadre du financement participatif de projets déterminés, conformément aux dispositions de l'article L. 548-1 et dans la limite d'un prêt par projet. Le taux conventionnel applicable à ces crédits est de nature fixe et ne dépasse pas le taux mentionné à l'article L. 313-3 du code de la consommation. Un décret fixe les principales caractéristiques de ces prêts, notamment leur durée maximale ;

8. Aux sociétés de tiers-financement définies à l'article L. 381-2 du code de la construction et de l'habitation dont l'actionnariat est majoritairement formé par des collectivités territoriales ou qui sont rattachées à une collectivité territoriale de tutelle.

Ces sociétés de tiers-financement ne sont autorisées ni à procéder à l'offre au public de titres financiers, ni à collecter des fonds remboursables du public. Elles peuvent se financer par des ressources empruntées aux établissements de crédit ou aux sociétés de financement ou par tout autre moyen. Un décret précise les conditions dans lesquelles elles sont autorisées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à exercer des activités de crédit, ainsi que les règles de contrôle interne qui leur sont applicables à ce titre.

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution statue sur la demande d'exercice des activités de crédit dans un délai de deux mois à compter de la réception d'un dossier complet. L'absence de notification de sa décision par l'autorité au terme de ce délai vaut acceptation.

Lorsque l'autorité demande des informations complémentaires, elle le notifie par écrit, en précisant que les éléments demandés doivent lui parvenir dans un délai de trente jours. A défaut de réception de ces éléments dans ce délai, la demande d'autorisation est réputée rejetée. Dès réception de l'intégralité des informations demandées, l'autorité en accuse réception par écrit. Cet accusé de réception mentionne un nouveau délai d'instruction, qui ne peut excéder deux mois.

Les sociétés de tiers-financement vérifient la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à leur demande. Elles consultent le fichier prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5 du même code. Elles indiquent dans leur rapport annuel le montant et les caractéristiques des avances qu'elles consentent au titre de leur activité de tiers-financement et des ressources qu'elles mobilisent à cet effet."

__________________________________________________________

La seconde liste, qui suit, est peut-être plus marquante que la première.

L'article cite l'émission de titres financiers... autorisation permise outres les "licences bancaires" comme disent les économistes.

L'autorisation d'accorder des délais de paiement ou des avances de paiement pour toute personne se note également ! S'il fallait démontrer que la finance est du droit commercial, ce seul alinéa suffirait. La finance commence dans le commerce, dans le contrat.

La finance, qui néanmoins surplombe toute l'économie réelle (expression commode car la finance n'est pas irréelle), n'est pas le monopole des banques, ni même des sociétés disposant d'un agrément. Dans quasiment chaque opération réelle (emploi commode) il y a une relation financière.

En somme, la finance ne peut pas être notre ennemie parce qu'elle est une structure permanente et systématique des relations économiques, petites ou grandes, professionnelles ou non, personnelles ou institutionnelles.

Ainsi soit la monnaie ! Amen.

On comprend pourquoi les ouvrages qui évoquent la finance glissent vite sur sa définition, le monstre a bien des têtes et des corps... Il est plus facile de dire finance que de la définir. Allez, lecture !


"Article L. 511-7

I.-Les interdictions définies à l'article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse :

1. Dans l'exercice de son activité professionnelle consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement ;

2. Conclure des contrats de location de logements assortis d'une option d'achat ;

3. Procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ;

4. Emettre des titres financiers si elle n'effectue pas d'opération de crédit mentionnée à l'article L. 313-1 ;

5. Emettre des instruments de paiement délivrés pour l'achat auprès d'elle ou auprès d'entreprises liées avec elle par un accord de franchise commerciale, d'un bien ou d'un service déterminé ;

6. Remettre des espèces en garantie d'une opération sur instruments financiers ou d'une opération de prêt de titres régies par les dispositions des articles L. 211-36 et L. 211-36-1 ;

7. Prendre ou mettre en pension des instruments financiers et effets publics mentionnés aux articles L. 211-27 et L. 211-34.

Ces interdictions ne font pas non plus obstacle à ce que l'union mentionnée à l'article L. 313-17 du code de la construction et de l'habitation puisse procéder à des opérations de trésorerie avec ses associés collecteurs agréés et les associations mentionnées aux articles L. 313-33 et L. 313-34 du même code.

II.-L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) peut exempter d'agrément une entreprise fournissant des services bancaires de paiement, pour l'acquisition de biens ou de services dans les locaux de cette entreprise ou dans le cadre d'un accord commercial avec elle, s'appliquant à un réseau limité de personnes acceptant ces services bancaires de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services.

Pour accorder l'exemption, l'ACPR doit notamment prendre en compte la sécurité des moyens de paiement, les modalités retenues pour assurer la protection des utilisateurs, le montant unitaire et les modalités de chaque transaction."

Pour conclure, sur tout de même l'identité de la finance professionnelle, on glisse à l'article suivant mais seulement pour un extrait :

"Article L. 511-8
Il est interdit à toute entreprise autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d'une façon générale, des expressions faisant croire qu'elle est agréée..."

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