La diplomatie française en appelle au Code monétaire et financier et à TRACFIN pour redorer son blason : les "avoirs" de l'ex-Président sont devenus suspects dès son départ de Tunisie.



La diplomatie française en appelle au Code monétaire et financier et à TRACFIN pour redorer son blason : les "avoirs" de l'ex-Président sont devenus suspects dès son départ de Tunisie.
Le pied dans l'avion. Voilà donc une nouvelle condition de l'application des règles du Code monétaire et financier sur le blanchiment. Cette condition est-elle légale ou réglementaire, non, elle serait plutôt une sorte d'usage international. Il est marquant de voir comment la violation d'une petite règle de droit privé (celle ici du code monétaire), à elle seule, peut traduire la violation éhontée de la plupart des droits fondamentaux d'un peuple.

L'application soudaine du code monétaire interroge. Ce retournement de situation prêterait à rire s'il ne s'était bâti sur l'immolation de Mohamed BOUAZIZI en décembre dernier, décédé en janvier, suivie de dizaines de morts après que la police eut tiré sur la foule des villes tunisiennes.

La France, la plupart des commentaires convergent, ne ressortira pas grandie de cette affaire (et ce n'est pas une question de droite ou de gauche...). On passe sur les hésitations de la diplomatie. Elles échappent au champ de ce blog de droit (encore que le droit à la sécurité soit en cause quand on propose des personnels à un pays pour assurer le maintien de "l'ordre"). On fera juste une remarque sur l'application des dispositions du Code monétaire et financier sur le blanchiment (L. 561-1 et s.).

"Le caractère douteux se met en place au moment où des instances démocratiques se mettent en place" dit ce matin Christine LAGARDE (b[Europe 1
entretien avec JPE)]b. Cette phrase est juridiquement plutôt contestable ; le régime politique d'un pays et, plus précisément, les mandats politiques de telle personne ou de ses proches ne sont qu'un élément d'appréciation parmi tant d'autres du caractère suspect des "avoirs" (notions juridiques en herbe).

Le caractère suspect des opérations résulte en effet (V. la thèse de F. DEFFERRARD, La suspicion), non du "pied dans l'avion", de la structure de l'opération : montant, origine, destination, rapport par rapport à la situation de la personne, complexité des opérations envisagées...

Comme de trop nombreuses règles, on constate qu'elles semblent s'appliquer avec violence et rigueur aux "petits" et qu'elles ne s'appliquent pas à ceux qui semblent appartenir à une caste de privilégiés. A la décharge de cette analyse, on peut penser que la fuite d'une famille entraîne des mouvements de fonds importants ; voilà ce qu'il aurait été acceptable d'entendre. Mais quid des centaines (?) de millions déjà en France depuis des années... pour ne pas dire depuis des décennies.

Alors que serait un discours de vérité juridique ?

Il consisterait à dire que les règles de l'Union européenne, du Code monétaire et financier et celles devant gouverner TRACFIN ne peuvent pas en pratique s'appliquer aux chefs d'Etats et à leurs proches. Pour une mauvaise raison et une autre moins mauvaise.

Pour une mauvaise raison juridique : le régime ne donne que des informations de légitimité sur la provenance des fonds ; c'est une mauvaise raison car si la fille d'un président fait, à 20 ans, une opération de 15 millions de dollars on sait d'où ils viennent...

Pour une raison diplomatique : l'entente internationale oblige. Mais avouer cela oblige alors à aller au fond de ce que doivent être les relations avec les régime autoritaires. Et là, revenu au coeur du sujet, la France ne s'honore pas. Le Droit n'exclut pas les problèmes, ne les cache pas, ne les embrouille pas, il les souligne.

Tel est le cas d'espèce.


Hervé Causse
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