L'objet social non réalisé justifie une dissolution d'association (L. 1901) sur le fondement du "droit des sociétés" du Code civil ! (Cass. 1re Civ., 13 mars 2007, n° 05-21658). METHODE et PLAN de commentaire.




L'objet social non réalisé justifie une dissolution d'association de la loi de 1901, sur le fondement du Droit des sociétés

Cass. 1re Civ., 13 mars 2007, n° de pourvoi : 05-21658, inédit.

METHODE et PLAN de commentaire.


I. Introduction et Plan
II. Arrêt cité. Source : Base Publique Légifrance
III. Méthode pour extraire le plan de l'arrêt.



I. Introduction et Plan



Etre ou ne pas être… telle est - aussi - la question pour les personnes morales. Mais ce n'est pas la seule question. A supposer qu'elle soit – on est alors dans l'être, une personne morale a encore besoin d'un droit. Un "Droit", c'est-à-dire un ensemble de règles régissant la naissance, la vie et la mort de cette personne. Sur cette question, les choses paraissent simples : le droit des sociétés s'applique aux sociétés, le droit des associations aux associations, et ainsi de suite pour toute personne morale. L'arrêt du 13 mars 2007 montre que tel n'est pas toujours le cas.

Une association a été jugée, au vu (et non au visa… nuance) de l'article 1844-7 du Code civil, comme devant être dissoute. Les faits, qui semblent sortis d'un roman, sont assez simples. Une association avait bénéficié de deux dons importants (divers biens…) à charge pour elle d'accomplir son objet social, à savoir tenir ouvertes deux écoles. A défaut de respecter cette donation, on aurait imaginé que, sur le droit des donations, ces opérations (libéralités) pouvaient être anéanties. On ne sait pourquoi, le problème s'engagea sur le terrain du droit des sociétés - mais il est vrai que la dissolution pourrait avoir des conséquences vertueuses et charitable, ce n'est pas le point central de la décision.

Une première fois, les filles de la donatrice assignèrent en justice pour plaider la nullité de l'association "pour illicéité de son objet et subsidiairement de prononcer la nullité des apports pour défaut de conformité avec le but poursuivi de l'association". Les filles "ont été déboutées", mais pas découragées. Vingt ans plus tard, elles assignent à nouveau, cette fois sur l'article 1844-7 du Code civil. Incroyable mais vrai, a-t-on envie de dire ! Cette demande va aboutir et l'association, moribonde, forme un pourvoi.

La première réplique des filles est de soutenir que le pourvoi est irrecevable en raison de la dissolution. Interdisez l'accès au juge de votre adversaire… vous êtes certain de vaincre ! A ce jeu les filles perdent, leur moyen est rejeté, non sans se fonder sur un aspect fondamental des personnes morales : " Mais attendu qu'une association dissoute conserve la personnalité morale et le droit d'ester en justice pour les besoins de sa liquidation ; que le pourvoi est donc recevable" ; la cour aurait pu viser un article… mais peu importe puisque le véritable problème est ailleurs.

Le pourvoi est construit sur trois branches, que nous prendrons dans le désordre car la seconde branche ne va pas faire long feu à hauteur de cassation.

L'association veut faire juger les filles irrecevables à invoquer une cause de dissolution car elles ne sont pas membres de l'association. Cette branche est balayée par la Cour de cassation pour une raison de pure procédure : elle ne juge pas au fond, mais en droit ; et elle ne juge que la bonne application des règles invoquées au fond. Cette question n'ayant pas été invoquée devant les juges du fond, ce point ne peut pas être au débat devant le juge du droit. La Cour ne règle donc pas ici la question de savoir si, dans une association, on doit en être membre pour demander sa dissolution… il faudra attendre un prochain arrêt (à moins qu'un donne déjà la solution…).

Le pourvoi critique d'abord le principe de l'application dudit texte, soit du recours au droit des sociétés pour traiter un problème d'association. C'est la critique attendue et presque légitime fondée, d'une part, sur la fausse application de l'article 1844-7 et, d'autre part, sur la violation de divers articles de la loi de 1901.

La troisième branche du pourvoi est un argument de secours : à supposer le droit des sociétés applicable, il faut le respecter s'indigne l'association – dans son dernier souffle de vie – et le juge ne l'a pas respecté. Il "ne peut prononcer la dissolution anticipée d'une société civile qu'en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant son fonctionnement". Or la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une de ces situations, a donc selon l'auteur du pourvoi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 5 du code civil.

La Cour de cassation rejette ce moyen en amassant divers faits, ce qui marque et témoigne de son contrôle. Finalement, et c'est le cœur de l'arrêt, elle décide que comme " l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien", la cour d'appel "en a justement déduit l'existence de justes motifs permettant de prononcer la dissolution de l'association". En sorte que, à suivre le juge du droit, l'association qui ne remplit plus son objet social (I), donne de justes motifs de dissolution (II).


I. Le défaut de réalisation de l'objet social de l'association


Le conflit entre les deux Droits (soc / assoc) prend ici assise sur le thème de l'objet social. Il n'est pas anodin de le souligner Voilà une notion noble et essentielle pour toute PM. Voilà une notion qui, quelle que soit la personne morale, pose toujours le même type de problème, d'où un réelle proximité entre les deux Droits. Revoyons cela, expliquons ce qu'est l'objet social (A), sachant que le problème concret qui a été jeté à la face de l'association était celui de son absence d'activité sociale : la question de la réalisation de cet OS (B).

A. Explications sur l'objet social des personnes morales

B. Réalisation de l'objet social des personnes morales


Conclusion et transition. La non-réalisation de l'objet social comme "juste motif de dissolution", cela valait la publication car c'est inédit, or l'arrêt aussi est inédit… Il n'est pas publié au Bulletins de la Cour de cassation ; cet arrêt ne serait donc pas un apport à sa jurisprudence. Cela ouvre largement la voie à la critique.


II. Un juste motif de dissolution de l'association


Cette solution est en théorie un apport mais, en rangeant cet arrêt dans la catégorie des inédits, la cour ouvre elle-même la voie à la critique de sa décision. Il est vrai que faire mourir une association sur un texte de droit des sociétés, il y a là comme une …difficulté. Et effectivement la solution est une application peu compréhensible du droit des sociétés (A) et une application peu convaincante du droit des associations (B), soit la loi de 1901.

A. Une application peu compréhensible du droit des sociétés

B. Une application peu convaincante du droit des sociétés



II. Arrêt cité. Source : base Legifrance

Association et Droit des sociétés
Personnalité morale, acquisition et extinction
Objet social. Loi de 1901 et Droit des sociétés (Code civil). Cause de dissolution.
Réalisation de l'objet. Contestation de tiers. Efficacité d'une donation à une association.


Cour de Cassation Chambre civile 1, 13 mars 2007

N° de pourvoi : 05-21658 - Inédit
Président : M. ANCEL

Attendu que le 4 mars 1974, Mme de X... a fait donation à l'association Sainte Jeanne d'Arc du château de la Graffinière, de trente et un hectares de terre, d'un terrain de sport, d'un bâtiment servant de patronage, d'une propriété servant d'école de filles et d'une propriété servant d'école de garçons, l'acte prévoyant qu'en cas de dissolution de l'association les biens devaient faire retour à la donatrice ou à ses héritiers ; que le 14 juin 1977 une seconde donation de 17 hectares supplémentaires de terrain était faite aux mêmes conditions en faveur de l'association ; que la donatrice étant décédée le 15 août 1977, ses deux filles qui avaient demandé au tribunal de dire que l'association devait être dissoute pour illicéité de son objet et subsidiairement de prononcer la nullité des apports pour défaut de conformité avec le but poursuivi de l'association ont été déboutées ; que vingt ans après elles ont assigné l'association afin d'obtenir la dissolution au visa de l'article 1844-7 du code civil, faute de remplir l'objet pour lequel elle avait été constituée ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi soulevée par la défense :
Attendu que les héritières de Mme de X... soutiennent que l'association ayant fait l'objet d'une dissolution, cette décision a été immédiatement exécutoire, faute pour le délai de pourvoi ou le pourvoi lui-même d'être assorti d'un effet suspensif ;
Mais attendu qu'une association dissoute conserve la personnalité morale et le droit d'ester en justice pour les besoins de sa liquidation ; que le pourvoi est donc recevable ;

Et sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Angers, 4 octobre 2005) d'avoir prononcé la dissolution de l'association alors, selon le moyen :

1 / qu'en prononçant la dissolution de l'association pour juste motif résultant de ce qu'elle ne remplissait plus son objet, la cour d'appel a violé ensemble les articles 3,5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 et par fausse application l'article 1844-7,5 du code civil ;

2 / que seuls les associés d'une société civile peuvent demander en justice sa dissolution et en recevant celle de tiers à l'association la cour d'appel a violé l'article 1844-7,5 du code civil ;

3 / que le juge ne peut prononcer la dissolution anticipée d'une société civile qu'en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant son fonctionnement et la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une mésentente entre les membres ou l'inexécution de leurs obligations a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 5 du code civil ;
Mais attendu d'abord que le moyen relatif à la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité déduite de l'intérêt devait être soulevé devant les juges du fond à peine d'irrecevabilité ; que soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, il doit être écarté comme nouveau ;

Et attendu ensuite que la cour d'appel ayant relevé que l'association n'avait plus d'autre activité que l'entretien du patrimoine qui lui avait été apporté, que le bâtiment qui dans les actes d'apport était affecté à un patronage, avait été exproprié et qu'il n'était pas établi qu'il ait été remplacé pour l'exercice de l'activité auquel le bâtiment originaire était affecté, que certains bâtiments avaient été affectés à l'existence d'une école de garçons et d'une école de filles et que l'école devenue mixte avait été fermée, qu'un commodat avait été conclu en 1995 avec une association tierce mais qu'il avait été résilié et qu'en réalité depuis au moins l'année 2001 l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien, en a justement déduit l'existence de justes motifs permettant de prononcer la dissolution de l'association ;
D'où il suit que le moyen qui, pris en sa deuxième branche est irrecevable, n'est pas fondé dans les deux autres ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Sainte Jeanne d'Arc aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne l'association Sainte Jeanne d'Arc à payer aux consorts de X... de Y... la somme de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé…



III. Méthode pour extraire le plan de l'arrêt.

1 – Identifier le "Corps de l'arrêt"

Et sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Angers, 4 octobre 2005) d'avoir prononcé la dissolution de l'association alors, selon le moyen :
1 / qu'en prononçant la dissolution de l'association pour juste motif résultant de ce qu'elle ne remplissait plus son objet, la cour d'appel a violé ensemble les articles 3,5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 et par fausse application l'article 1844-7,5 du code civil ;
2 / que seuls les associés d'une société civile peuvent demander en justice sa dissolution et en recevant celle de tiers à l'association la cour d'appel a violé l'article 1844-7,5 du code civil ;
3 / que le juge ne peut prononcer la dissolution anticipée d'une société civile qu'en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant son fonctionnement et la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une mésentente entre les membres ou l'inexécution de leurs obligations a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 5 du code civil ;
Mais attendu d'abord que le moyen relatif à la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité déduite de l'intérêt devait être soulevé devant les juges du fond à peine d'irrecevabilité ; que soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, il doit être écarté comme nouveau ;

Et attendu ensuite que la cour d'appel ayant relevé que l'association n'avait plus d'autre activité que l'entretien du patrimoine qui lui avait été apporté, que le bâtiment qui dans les actes d'apport était affecté à un patronage, avait été exproprié et qu'il n'était pas établi qu'il ait été remplacé pour l'exercice de l'activité auquel le bâtiment originaire était affecté, que certains bâtiments avaient été affectés à l'existence d'une école de garçons et d'une école de filles et que l'école devenue mixte avait été fermée, qu'un commodat avait été conclu en 1995 avec une association tierce mais qu'il avait été résilié et qu'en réalité depuis au moins l'année 2001 l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien, en a justement déduit l'existence de justes motifs permettant de prononcer la dissolution de l'association ;
D'où il suit que le moyen qui, pris en sa deuxième branche est irrecevable, n'est pas fondé dans les deux autres ;

2. OUTRE FAITS ET PROCEDURE ; on passe ici.

3. Les moyens


a. MOYEN fondé sur l'IRRECEVABILITE DU POURVOI :
Mais attendu qu'une association dissoute conserve la personnalité morale et le droit d'ester en justice pour les besoins de sa liquidation ; que le pourvoi est donc recevable ;

b. Branche du MOYEN IRRECEVABLE A EVOQUER EN INTRO :
" 2 / que seuls les associés d'une société civile peuvent demander en justice sa dissolution et en recevant celle de tiers à l'association la cour d'appel a violé l'article 1844-7,5 du code civil ;"

Cet arrêt, lui, ne dit pas qu'un tiers eut agir en constatation de la dissolution : la Cour de cass n'a pas été saisie de cette question, donc elle n'a pas répondu, donc elle ne dit rien ici sur ce sujet…

" Mais attendu d'abord que le moyen relatif à la fin de non-recevoir prise du défaut de qualité déduite de l'intérêt devait être soulevé devant les juges du fond à peine d'irrecevabilité ; que soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, il doit être écarté comme nouveau ; "

Ce n'est pas le grand problème de l'arrêt : cette question ne concerne pas un grand principe des PM ; il s'agit simplement d'une règle – certes importante – du droit des sociétés

c. CONSEQUENCE : CŒUR D'ARRET de DEUX BRANCHES

1 / qu'en prononçant la dissolution de l'association pour juste motif résultant de ce qu'elle ne remplissait plus son objet, la cour d'appel a violé ensemble les articles 3,5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 et par fausse application l'article 1844-7,5 du code civil ;

Première branche parce que c'est l'argument FORT : le droit des sociétés ne s'applique pas aux associations… c'est du bon sens élémentaire…

3 / que le juge ne peut prononcer la dissolution anticipée d'une société civile qu'en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant son fonctionnement et la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une mésentente entre les membres ou l'inexécution de leurs obligations a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 5 du code civil ;
Ainsi, il y a ici un argument de secours : à supposer le droit des sociétés applicable, et à vouloir le respecter, le juge ne l'a pas respecté…


d. REALISATION DU COMMENTAIRE

Le plan du commentaire sera tiré de l'attendu qui donne la solution. On reste ainsi dans le sujet, voilà une bonne méthode pour commenter l'arrêt, le texte, et non "divaguer à propose du sujet".


4. Réponse de la Cour, attendu principal.


Cet attendu est long parce que la Cour reprend tous les faits – presque comme un juge du fond. Elle motive puis décide, la fin de la phrase est celle qui pourrait avoir une portée normative si on était dans un arrêt de principe ; dans ce cas, la phrase aurait été mise en valeur (dépouillée des faits) :

a. Isolement de la phrase forte de l'attendu :

Première partie, factuelle, de l'attendu :

""Et attendu ensuite que la cour d'appel ayant relevé que l'association n'avait plus d'autre activité que l'entretien du patrimoine qui lui avait été apporté, que le bâtiment qui dans les actes d'apport était affecté à un patronage, avait été exproprié et qu'il n'était pas établi qu'il ait été remplacé pour l'exercice de l'activité auquel le bâtiment originaire était affecté, que certains bâtiments avaient été affectés à l'existence d'une école de garçons et d'une école de filles et que l'école devenue mixte avait été fermée, qu'un commodat avait été conclu en 1995 avec une association tierce mais qu'il avait été résilié
""et qu'en réalité depuis au moins l'année 2001""

Seconde partie de l'attendu :
"l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien, en a justement déduit l'existence de justes motifs permettant de prononcer la dissolution de l'association"

f. Scission de la phrase forte de l'attendu :

1. "l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien,
2. en a justement déduit l'existence de justes motifs
3. permettant de prononcer la dissolution de l'association"

Un plan selon ces trois parties serait en partie artificiel car la question de la dissolution est l'enjeu, la simple conséquence des deux premiers termes.
Je décide donc de mettre l'essentiel de l'analyse non pas sur l'idée de dissolution, parce qu'elle est naturellement au cœur du commentaire. En effet, la question de droit posée est :
Le défaut d'objet social est-il un juste motif de dissolution ?

c. Je m'impose d'aller au plus profond de l'arrêt en me concentrant sur :

1. "l'association ne remplissait plus l'objet qui était le sien,
2. en a justement déduit l'existence de justes motifs

A cet instant, le choix méthodologique ne me dit pas, d'emblée, ce que je vais pouvoir mettre dans ces deux parties ; cependant :

- on sent tout de même que la vaste question de l'objet social permet de bien mettre en scène le conflit (droit des sociétés / droit des associations) ;
- en revanche, l'idée de "justes motifs" est fine et n'est qu'une expression de l'article 1844-7 (mon II B pouvant être plus léger que mon II A, l'inquiétude est atténuée).

d[h. Transformation des deux idées fortes de la partie de phrase forte de l'attendu en intitulé ]b:

Aux étudiants d'observer...



NB : note de 2012 actualisée, voir ci-après.


L'arrêt de 2007 est un point de repère pour l'actualité juridique, cette réponse ministérielle en atteste dont la réponse évoque un arrêt de 2016 (mis en gras dans la réponse du ministre).

Question N° 15173 au Ministère de l'intérieur

Question soumise le 18 décembre 2018


M. Damien Abad attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les modalités de dissolution d'une association en sommeil par des personnes extérieures à celle-ci. De nombreuses associations existent toujours, bien qu'elles n'aient plus aucune activité. Par exemple, des clubs en déshérence affiliées à la Fédération française de gymnastique nuisent à l'image de l'activité sportive et de la fédération. Force est de constater que la législation relative à la dissolution d'une association est lacunaire. Une association n'ayant plus aucune activité est qualifiée d'association « en sommeil », même si ce terme n'a aucune véritable valeur juridique. La seule constatation de la mise « en sommeil » n'entraîne pas la dissolution. Celle-ci doit être provoquée puisque l'association continue d'exister juridiquement et administrativement. Aucune règle ne permet à l'heure actuelle de provoquer la dissolution d'une association du seul fait qu'elle soit « en sommeil ». En outre, il est possible de demander la dissolution judiciaire d'une association pour non réalisation de son objet social. Plusieurs cours d'appel s'y sont montrées favorables (cour d'appel d'Angers, 4 octobre 2005 ; cour d'appel de Poitiers, 24 février 2002 ; cour d'appel de Rennes, 8 octobre 1969). La Cour de cassation s'est quant à elle prononcée une fois en faveur d'une telle action (Cass, civ 1ère, 13 mars 2007, n° 05-21658). Il serait donc possible de demander la dissolution de l'association pour ce motif, puisque l'association sportive en sommeil ne peut plus remplir son objet social. Néanmoins, la législation a tendance à considérer que l'action de dissolution n'est réservée qu'aux membres de l'association. La Cour de cassation a refusé en 2007 de se prononcer sur la question du titulaire de l'action en dissolution et entretient le flou sur cette question. Les demandeurs d'une dissolution administrative pourraient être des collectivités, si celles-ci subventionnent l'association, des élus ou des mécènes. Cela permettrait de réduire le nombre d'associations « en sommeil » et de simplifier les démarches de dissolution. Ainsi, il lui demande de préciser les modalités de dissolution d'une association et de spécifier les acteurs extérieurs à l'association qui pourraient engager une action de dissolution administrative, afin d'éviter une dissolution judiciaire de l'association.

Réponse émise le 2 juillet 2019

Les associations dites « en sommeil » sont des associations qui n'ont plus d'activité mais ne sont pas dissoutes. La mise en sommeil d'une association n'entraîne pas en effet sa dissolution (cour d'appel de Paris, 13 mars 1996, Asso. Images et mouvements). Une association existe toujours juridiquement même si elle n'a plus aucune activité. Les conditions de dissolution des associations en sommeil diffèrent selon qu'elles comportent ou non encore des membres. Dès lors que l'association comporte plus de deux membres, ces derniers peuvent demander à l'assemblée générale de se réunir et de se prononcer sur la dissolution de l'association. Dans ce cas de figure, la dissolution ne peut être que volontaire. Dans l'hypothèse, en revanche, où le nombre de membres de l'association est réduit à une seule personne, ou qu'il n'existe plus aucun adhérent, excluant donc le principe d'une dissolution volontaire, seul le tribunal de grande instance territorialement compétent peut prononcer la dissolution et désigner, le cas échéant, un liquidateur. La dissolution judiciaire est mise en œuvre, sur requête de toute personne ayant un intérêt direct ou personnel ou par le ministère public en application de l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 en cas notamment d'objet illicite de l'association ou contraire aux lois ou bonnes mœurs. La jurisprudence reconnaît également au juge la faculté de prononcer une dissolution judiciaire lorsqu'il existe de justes motifs pour le faire, notamment lorsque l'association a cessé l'activité constituant son objet (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 13 mars 2007). Cette jurisprudence, se fondant en l'occurrence sur l'article 1844-7 du code civil applicable aux sociétés, réserve par là même l'action en justice aux seuls membres de l'association. La Cour de cassation a également reconnu la possibilité d'une dissolution judiciaire en cas d'impossibilité objective et irréversible de réaliser le but poursuivi par l'association (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 février 2016). La dissolution administrative reste quant à elle applicable aux seuls cas visés par I'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et par l'article 6-1 de la loin° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence modifiée par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015. En dehors de ces différentes hypothèses de dissolution, il n'existe aucune autre procédure offrant à des partenaires extérieurs la faculté d'engager une procédure de dissolution à l'encontre d'une association en sommeil. Une telle mesure serait en tout état de cause de nature à porter atteinte au principe, de valeur constitutionnelle, de la liberté d'association.

Cas très spécial d'une association, groupement, dont les membres ne peuvent plus être déterminés en application de ses propres statuts : le juge judiciaire peut constater la cause de dissolution.

Arrêt extrait de la base publique Légifrance.


Cour de cassation, civile, Ch. civ. 1, 17 février 2016, 15-11.143, Publié au bulletin

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 novembre 2014), que, sur l'action exercée par l'association Groupement de la Bellevue, qui regroupe des titulaires de droits de chasse s'exerçant sur le territoire de la commune de Berné, un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 16 novembre 2012, devenu définitif, a annulé l'arrêté préfectoral ayant fixé la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de la commune de Berné (l'ACCA), ainsi que l'arrêté ayant ultérieurement agréé celle-ci ; que l'association Groupement de la Bellevue, ainsi que Mmes X..., Y...et Z..., MM. A..., B..., C...et D..., titulaires de droits de chasse sur la commune, ont assigné l'ACCA en vue de voir prononcer sa dissolution ;


Sur le premier moyen :

Attendu que l'ACCA fait grief à l'arrêt de prononcer sa dissolution, alors, selon le moyen, que la dissolution d'une association ne peut être judiciairement prononcée que si celle-ci est fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes moeurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ; qu'en prononçant la dissolution de l'ACCA en raison de l'illégalité prononcée, a posteriori, des arrêtés préfectoraux ayant déterminé, d'une part, le territoire qu'elle était chargée de gérer et, d'autre part, la liste des parcelles concernées afin de procéder à son agrément, cependant que l'illégalité des arrêtés n'avait pas pour effet de rendre illicite l'objet de l'association, ni de constituer l'une quelconque des causes de nullité susceptible de fonder une décision de dissolution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 7 de la loi du 1er juillet 1901, ensemble l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, relevant que l'annulation de l'arrêté préfectoral qui fixait la liste des terrains sur lesquels devait s'exercer l'action de l'ACCA privait celle-ci de tout objet et viciait sa constitution même puisque ses membres de droit n'étaient plus déterminables, l'arrêt retient ainsi, non pas une simple interruption temporaire d'activité, mais une impossibilité objective et irréversible de réaliser le but poursuivi par l'ACCA ; que, sans porter atteinte à la liberté d'association, la cour d'appel en a déduit l'existence de justes motifs permettant de prononcer la dissolution de l'association ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

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