"... l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire
gouverné par les règles propres du droit du change..." ce qui exclut, selon la Cour de cassation, le devoir de mise en garde - Cour de cassation
chambre commerciale, 30 octobre 2012, n° 11-23519, Publié au bulletin :
Cliquez ici pour consulter l'arrêt
La motivation de la Haute Juridiction est curieuse.
Il est inhabituel de justifier une solution par une matière, "le droit du change", dont nous ne croyons pas pour notre part à l'autonomie qui est ainsi postulée. Sans doute il y a-t-il des règles dérogatoires dans les articles L. 132-1 et suivants du CMF, mais le législateur ignore lui-même le "droit du change". Pour que cela soit clair, on doit ajouter, pour comprendre la rupture que cette position consacre, que nous ne sommes naturellement pas en phase avec la doctrine majoritaire qui a par les plumes inventé le droit cambiaire.
La doctrine a tellement répété cela que, manifestement, la cour de cassation a fini par y croire.
Cette doctrine de coupure radicale avec le droit commun a ses avantages : les juges rendent des décisions dont le seule logique est d'être incompréhensibles avec divers principes du droit commun, et parfois sans viser le texte justifiant cette dérogation.
On est donc étonné que cette décision intervienne aujourd'hui, elle nous semble inspiré d'une vision doctrinale du milieu du XIXe siècle, au mieux du début du XXe.
Cette motivation d'actualité repose sur des expressions inconnues de la loi, le Code de commerce ne connaît ni l'expression "engagement cambiaire" ni celle de "droit du change".
On ne persévèrera pas davantage dans ce débat que personne n'entend mener.
On notera seulement qu'à raison de cette vision séculaire les premiers titres très réglementés seront sans doute les derniers à prendre la forme électronique : un comble. Naturellement, l'écrit électronique servira un jour à étblir des chèques et effets de commerce électroniques, des projets internationaux existent en ce sens. La vision du titre papier incorporant un droit selon un droit du change autonome aura seulement permis de voir ce projet arriver avec 30 ans de retard.
On ne tirera pas non plus les éventuelles conséquences de notre sentiment (dire doctrine ce serait immodeste...) sur la présente décision. On peut être plus concret et direct en observant que cette motivation aurait pu être moins théorique en visant les textes en cause. A moins que justement la Cour de cassation ait été gênée pour le faire. Mais, pour poursuivre dans la volonté de faire court, nous dirons qu'elle pouvait se contenter de viser un texte.
Voilà l'aspect pratique réglé. Ou presque. Car à viser un texte on aurait pu observer que l'aval est un crédit et que l'on voudrait bien savoir pourquoi ce crédit échappe à la vaste construction jurisprudentielle sur la mise en garde. Or, alors que le pourvoi posait directement cette question, l'arrêt n'y répond pas, sachant que la réponse pouvait être donné par un argument sur la mise en garde elle-même ou un argument tiré d'une disposition (alinéa) du Code de commerce - ou bien sûr par les deux.
Pour l'esprit théorique, on attend que, dans les domaines adjacents, la Cour de cassation motive quelques arrêts en invoquant "le droit du commerce" et le "droit commercial". Cela confirmerait qu'elle entend recourir à des motivations empruntant des expressions fort larges et au concept de "matière" ("matière juridique" voulons-nous dire).
Elle pourrait également juger - rejeter ou casse - en motivant sur le "droit fiscal" en matière de droit indirects.
Cela serait pour le moins une innovation méthodologique, conceptuelle* et jurisprudentielle.
La majorité de la doctrine est-elle cette fois d'accord ?
Et est-ce bien là la volonté de la Cour de cassation ?
---------------
* En vérité il nous semble que le concept de matière existe en droit positif, il a notamment été utilisé pour procéder aux codifications.
gouverné par les règles propres du droit du change..." ce qui exclut, selon la Cour de cassation, le devoir de mise en garde - Cour de cassation
chambre commerciale, 30 octobre 2012, n° 11-23519, Publié au bulletin :
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La motivation de la Haute Juridiction est curieuse.
Il est inhabituel de justifier une solution par une matière, "le droit du change", dont nous ne croyons pas pour notre part à l'autonomie qui est ainsi postulée. Sans doute il y a-t-il des règles dérogatoires dans les articles L. 132-1 et suivants du CMF, mais le législateur ignore lui-même le "droit du change". Pour que cela soit clair, on doit ajouter, pour comprendre la rupture que cette position consacre, que nous ne sommes naturellement pas en phase avec la doctrine majoritaire qui a par les plumes inventé le droit cambiaire.
La doctrine a tellement répété cela que, manifestement, la cour de cassation a fini par y croire.
Cette doctrine de coupure radicale avec le droit commun a ses avantages : les juges rendent des décisions dont le seule logique est d'être incompréhensibles avec divers principes du droit commun, et parfois sans viser le texte justifiant cette dérogation.
On est donc étonné que cette décision intervienne aujourd'hui, elle nous semble inspiré d'une vision doctrinale du milieu du XIXe siècle, au mieux du début du XXe.
Cette motivation d'actualité repose sur des expressions inconnues de la loi, le Code de commerce ne connaît ni l'expression "engagement cambiaire" ni celle de "droit du change".
On ne persévèrera pas davantage dans ce débat que personne n'entend mener.
On notera seulement qu'à raison de cette vision séculaire les premiers titres très réglementés seront sans doute les derniers à prendre la forme électronique : un comble. Naturellement, l'écrit électronique servira un jour à étblir des chèques et effets de commerce électroniques, des projets internationaux existent en ce sens. La vision du titre papier incorporant un droit selon un droit du change autonome aura seulement permis de voir ce projet arriver avec 30 ans de retard.
On ne tirera pas non plus les éventuelles conséquences de notre sentiment (dire doctrine ce serait immodeste...) sur la présente décision. On peut être plus concret et direct en observant que cette motivation aurait pu être moins théorique en visant les textes en cause. A moins que justement la Cour de cassation ait été gênée pour le faire. Mais, pour poursuivre dans la volonté de faire court, nous dirons qu'elle pouvait se contenter de viser un texte.
Voilà l'aspect pratique réglé. Ou presque. Car à viser un texte on aurait pu observer que l'aval est un crédit et que l'on voudrait bien savoir pourquoi ce crédit échappe à la vaste construction jurisprudentielle sur la mise en garde. Or, alors que le pourvoi posait directement cette question, l'arrêt n'y répond pas, sachant que la réponse pouvait être donné par un argument sur la mise en garde elle-même ou un argument tiré d'une disposition (alinéa) du Code de commerce - ou bien sûr par les deux.
Pour l'esprit théorique, on attend que, dans les domaines adjacents, la Cour de cassation motive quelques arrêts en invoquant "le droit du commerce" et le "droit commercial". Cela confirmerait qu'elle entend recourir à des motivations empruntant des expressions fort larges et au concept de "matière" ("matière juridique" voulons-nous dire).
Elle pourrait également juger - rejeter ou casse - en motivant sur le "droit fiscal" en matière de droit indirects.
Cela serait pour le moins une innovation méthodologique, conceptuelle* et jurisprudentielle.
La majorité de la doctrine est-elle cette fois d'accord ?
Et est-ce bien là la volonté de la Cour de cassation ?
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* En vérité il nous semble que le concept de matière existe en droit positif, il a notamment été utilisé pour procéder aux codifications.