On ne sait pas bien ce qu'est un crédit ni une opération de crédit : ni le législateur, ni le juge, ni la doctrine n'a trouvé le critère du crédit.
Il nous semble manifeste que l'avance de fonds n'est pas ce critère (contra : Th. Bonneau, 2017). Cette affaire le montre : le client ne bénéficie pas d'avance de fonds, seul le téléphone semble avancé (et encore, d'où le litige), mais la démonstration était déjà faite avec le le crédit-bail ou les promesses de paiement ou le crédit par signature.
En disant "opération", la loi semble dire quelque chose d'édifiant alors qu'elle ne fait que dresser un mur de fumée.
Après une première note de blog ci-dessous, citant une proposition de critère, prenons les choses d'un peu plus haut.
Pourquoi dire "opération", sinon pour abuser l'esprit ? La question est bien celle de savoir ce qu'est un crédit. Qu'on loge ce crédit dans ce que l'on peut appeler, avec plus ou moins de rigueur, "opération", ne modifie pas le problème fondamental posé.
La notion d'opération a une fonction précise : globalisante, elle met ensemble des conventions de crédit dont on ne voit pas le critère commun. La notion d'opération est un voile habile qui semble donner la substance du crédit et qui, en vérité et de ce fait, la masque ; voilà le mur de fumée ; le prétexte imposant la notion "d'opération" est bien choisi : tout crédit ne passe pas, il est vrai, par un simple contrat, il semble parfois qu'il y ait un ensemble d'actes juridiques - à voir.
Le code de la consommation, à l'honneur dans cette décision FREE-SFR, fait comme la loi bancaire de 1984 ; même après trente ans de technocratie juridique aiguisée, les législateurs, ici et à Bruxelles, n'ont toujours pas donné le critère du crédit.
Nous avons dit, dans une note plus bas, que le critère d'avance de moyen, que nous avions en tête, et dans nos lignes (Droit bancaire et financier, Mare & Martin), devait être dépassé, affiné. Il pose le problème mais ne le règle qu'en partie. En somme, il faut nous faut mettre notre doctrine à néant pour retrouver l'être du crédit. La recherche est un existentialisme juridique !
Dans l'affaire FREE-SFR, la question s'est posée sous l'angle d'un problème d'égalité ou de loyauté dans la concurrence. La question emprunte alors le canal du droit de la consommation puisque l'offre était faite à des consommateurs. Mais ce fondement légal, commandé au juge à raison du fondement de l'assignation, du procès, n'est pas le centre du débat de la notion de crédit qui est posée dans les textes sur l'organisation bancaire (textes européens et nationaux, on limite le propos ici sans entrer dans le pur droit européen, d'autant que l'arrêt en est loin, quoiqu'il cite et se fonde sur la directive portant le crédit à la consommation).
Aucun jugement fondé sur le droit de la consommation ne saurait échapper aux principes monétaires et bancaires de l'Union européenne qui se trouvent dans les textes de nature bancaire, jusque dans les traités (TUE et TFUE), et non dans ceux relatifs au droit de la consommation.
Dans l'ordre positif, au vu des codes, et donc un peu basiquement, la question se pose car le crédit a inspiré la notion d'opération de crédit qui :
- regroupe les crédits réservés aux établissements de crédit et assimilés (art. L. 313-1, CMF) (1) ;
- regroupe certains crédits qui sont visés par le code de la consommation pour leur appliquer un régime de protection du client (régime appelé "crédit à la consommation" ou "crédit immobilier").
La difficulté fondamentale réside dans le fait que l'on ignore le critère du crédit. Le législateur de 1984 l'a montré en parlant d'opérations "assimilés" (c'est du crédit sans en être). Nous avons vérifié la doctrine antérieure et, effectivement, les auteurs ne dégageaient pas une notion unitaire du crédit par la grâce d'un critère, et ce à propos de la pure location qui parfois se rapproche du crédit (Du critère de l'opération de crédit désignant les crédits et délimitant les opérations de banque, Cass. com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, Lexbase, Hebdo édition affaires, n°490 du 08/12/2016, N° LXB : N5570BW9).
On ignore même parfois, aujourd'hui, que la question se pose. A énumérer une dizaine d'opérations de crédit on remplirait l'esprit, on satisferait aux besoins de cohérence et de raison : voilà un exemple des excès du positivisme. On laisse le législateur énoncer sans raison.
On a d'ailleurs ignoré que la question se posait aussi sur la notion voisine, celle de financement (la Cour de cassation parle du "bien financé", expression qui pose - mais délicatement - la question ; en effet, les auteurs ignorent la finance, les financiers et généralement les financements vaguement assimilés, et à tort, à du crédit).
A force de répéter avec rigueur la loi et la jurisprudence, la doctrine a oublié de faire de la doctrine. C'est ainsi que, dans la présente affaire, SFR a pu faire des opérations de crédit en pensant faire du commerce classique (fourniture de téléphone et abonnement à un réseau téléphonique et numérique).
Voilà qui rappelle que la finance se glisse dans toute opération commerciale, de service ou industrielle : la plupart d'entre-elles appellent un traitement monétaire.
La décision est intéressante puisqu'elle notifie aux juges du fond qu'ils n'ont pas su voir un crédit qui est doublement réglementé. Dans les deux réglementations du reste, la violation est un problème pénal. Il semble que le problème pénal n'ait pas non plus été vu par les procureurs, alors que la violation de la protection du consommateur et la violation du monopole bancaire semblent désormais évidentes.
Il est vrai que Free n'a pas placé la discussion sur le terrain pénal, mais le ministère public est toujours en charge quoiqu'un litige ne survienne que par une action en justice commerciale.
Free a engagé le litige sur le terrain d'un acte de concurrence déloyale mais fondé sur la violation des règles du crédit consacrées par le Code de la consommation (règles modifiées en 2010 et recodifiées en 2016). Ainsi, si l'offre commerciale constituait (pour partie) un crédit, il y avait une concurrence déloyale, à défaut, SFR était dans son droit.
L'apport de l'arrêt est plus dans l'exemple que dans les attendus livrés car l'approche est tout de même réduite (problématique du domaine du crédit à la consommation, dont la Cour ne dit pas, contrairement à son habitude, le texte applicable à la cause qui a trois versions en 8 ans ; on l'a sélectionné ci-dessous). A tout prendre, un violation des interdictions de pratiquer le crédit appellerait une discussion pénale et l'application des dispositions utiles du Code monétaire et financier.
L'assignation enferme le débat dans la problématique du Code de la consommation, laquelle n'est qu'une petite application de la notion de crédit du Code monétaire et financier (et en vérité de l'ordre public financier européen). Les réponses valent cependant le détour et l'arrêt contribue à la réflexion sur ce qu'est un crédit.
On relève :
- que le juge d'appel ne voyant dans l'opération économique en cause, l'obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, n'existe pas et jugeant qu'à tout le moins, "l'aléa quant au montant de la somme avancée exclut la qualification de contrat de crédit" ; où l'on voit un critère d'aléa surgir dans le débat : en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification d'opération de crédit, laquelle s'entend, notamment, de toute facilité de paiement, la cour d'appel, qui n'a pas fait la recherche que les conclusions de FREE imposaient ; une motivation suit sur "le report du prix d'achat du mobile" ; on se demandera si la facilité de paiement est ici notablement éclairée ;
- "qu'une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur" ; la phrase semble forte mais pourtant elle est banale pour avoir une portée banale : dans la plupart des crédits d'un bien, le transfert de la chose est immédiat, le crédit-bail étant le contre-exemple ; la phrase est tournée de telle manière qu'on croirait qu'elle est originale alors qu'elle ne l'est pas. Une opération n'est pas... ne dit pas ce qu'est un crédit.
Le crédit pose bien une difficulté fondamentale.
On reviendra plus tard sur notre proposition d'un nouveau critère, l'engagement d'avance. Composite et inédite, l'expression est constituée de notions qui préexistent.
L'initiative s'autorise du besoin de proposer des idées pures (Des idées juridiques à la rencontre du droit bancaire... et financier, Lexbase, Etude, Hebdo édition affaires n°490 du 1er décembre 2016).
--------------------------------
1) Article L 313-1
Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.
Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
Il nous semble manifeste que l'avance de fonds n'est pas ce critère (contra : Th. Bonneau, 2017). Cette affaire le montre : le client ne bénéficie pas d'avance de fonds, seul le téléphone semble avancé (et encore, d'où le litige), mais la démonstration était déjà faite avec le le crédit-bail ou les promesses de paiement ou le crédit par signature.
En disant "opération", la loi semble dire quelque chose d'édifiant alors qu'elle ne fait que dresser un mur de fumée.
Après une première note de blog ci-dessous, citant une proposition de critère, prenons les choses d'un peu plus haut.
Pourquoi dire "opération", sinon pour abuser l'esprit ? La question est bien celle de savoir ce qu'est un crédit. Qu'on loge ce crédit dans ce que l'on peut appeler, avec plus ou moins de rigueur, "opération", ne modifie pas le problème fondamental posé.
La notion d'opération a une fonction précise : globalisante, elle met ensemble des conventions de crédit dont on ne voit pas le critère commun. La notion d'opération est un voile habile qui semble donner la substance du crédit et qui, en vérité et de ce fait, la masque ; voilà le mur de fumée ; le prétexte imposant la notion "d'opération" est bien choisi : tout crédit ne passe pas, il est vrai, par un simple contrat, il semble parfois qu'il y ait un ensemble d'actes juridiques - à voir.
Le code de la consommation, à l'honneur dans cette décision FREE-SFR, fait comme la loi bancaire de 1984 ; même après trente ans de technocratie juridique aiguisée, les législateurs, ici et à Bruxelles, n'ont toujours pas donné le critère du crédit.
Nous avons dit, dans une note plus bas, que le critère d'avance de moyen, que nous avions en tête, et dans nos lignes (Droit bancaire et financier, Mare & Martin), devait être dépassé, affiné. Il pose le problème mais ne le règle qu'en partie. En somme, il faut nous faut mettre notre doctrine à néant pour retrouver l'être du crédit. La recherche est un existentialisme juridique !
Dans l'affaire FREE-SFR, la question s'est posée sous l'angle d'un problème d'égalité ou de loyauté dans la concurrence. La question emprunte alors le canal du droit de la consommation puisque l'offre était faite à des consommateurs. Mais ce fondement légal, commandé au juge à raison du fondement de l'assignation, du procès, n'est pas le centre du débat de la notion de crédit qui est posée dans les textes sur l'organisation bancaire (textes européens et nationaux, on limite le propos ici sans entrer dans le pur droit européen, d'autant que l'arrêt en est loin, quoiqu'il cite et se fonde sur la directive portant le crédit à la consommation).
Aucun jugement fondé sur le droit de la consommation ne saurait échapper aux principes monétaires et bancaires de l'Union européenne qui se trouvent dans les textes de nature bancaire, jusque dans les traités (TUE et TFUE), et non dans ceux relatifs au droit de la consommation.
Dans l'ordre positif, au vu des codes, et donc un peu basiquement, la question se pose car le crédit a inspiré la notion d'opération de crédit qui :
- regroupe les crédits réservés aux établissements de crédit et assimilés (art. L. 313-1, CMF) (1) ;
- regroupe certains crédits qui sont visés par le code de la consommation pour leur appliquer un régime de protection du client (régime appelé "crédit à la consommation" ou "crédit immobilier").
La difficulté fondamentale réside dans le fait que l'on ignore le critère du crédit. Le législateur de 1984 l'a montré en parlant d'opérations "assimilés" (c'est du crédit sans en être). Nous avons vérifié la doctrine antérieure et, effectivement, les auteurs ne dégageaient pas une notion unitaire du crédit par la grâce d'un critère, et ce à propos de la pure location qui parfois se rapproche du crédit (Du critère de l'opération de crédit désignant les crédits et délimitant les opérations de banque, Cass. com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, Lexbase, Hebdo édition affaires, n°490 du 08/12/2016, N° LXB : N5570BW9).
On ignore même parfois, aujourd'hui, que la question se pose. A énumérer une dizaine d'opérations de crédit on remplirait l'esprit, on satisferait aux besoins de cohérence et de raison : voilà un exemple des excès du positivisme. On laisse le législateur énoncer sans raison.
On a d'ailleurs ignoré que la question se posait aussi sur la notion voisine, celle de financement (la Cour de cassation parle du "bien financé", expression qui pose - mais délicatement - la question ; en effet, les auteurs ignorent la finance, les financiers et généralement les financements vaguement assimilés, et à tort, à du crédit).
A force de répéter avec rigueur la loi et la jurisprudence, la doctrine a oublié de faire de la doctrine. C'est ainsi que, dans la présente affaire, SFR a pu faire des opérations de crédit en pensant faire du commerce classique (fourniture de téléphone et abonnement à un réseau téléphonique et numérique).
Voilà qui rappelle que la finance se glisse dans toute opération commerciale, de service ou industrielle : la plupart d'entre-elles appellent un traitement monétaire.
La décision est intéressante puisqu'elle notifie aux juges du fond qu'ils n'ont pas su voir un crédit qui est doublement réglementé. Dans les deux réglementations du reste, la violation est un problème pénal. Il semble que le problème pénal n'ait pas non plus été vu par les procureurs, alors que la violation de la protection du consommateur et la violation du monopole bancaire semblent désormais évidentes.
Il est vrai que Free n'a pas placé la discussion sur le terrain pénal, mais le ministère public est toujours en charge quoiqu'un litige ne survienne que par une action en justice commerciale.
Free a engagé le litige sur le terrain d'un acte de concurrence déloyale mais fondé sur la violation des règles du crédit consacrées par le Code de la consommation (règles modifiées en 2010 et recodifiées en 2016). Ainsi, si l'offre commerciale constituait (pour partie) un crédit, il y avait une concurrence déloyale, à défaut, SFR était dans son droit.
L'apport de l'arrêt est plus dans l'exemple que dans les attendus livrés car l'approche est tout de même réduite (problématique du domaine du crédit à la consommation, dont la Cour ne dit pas, contrairement à son habitude, le texte applicable à la cause qui a trois versions en 8 ans ; on l'a sélectionné ci-dessous). A tout prendre, un violation des interdictions de pratiquer le crédit appellerait une discussion pénale et l'application des dispositions utiles du Code monétaire et financier.
L'assignation enferme le débat dans la problématique du Code de la consommation, laquelle n'est qu'une petite application de la notion de crédit du Code monétaire et financier (et en vérité de l'ordre public financier européen). Les réponses valent cependant le détour et l'arrêt contribue à la réflexion sur ce qu'est un crédit.
On relève :
- que le juge d'appel ne voyant dans l'opération économique en cause, l'obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, n'existe pas et jugeant qu'à tout le moins, "l'aléa quant au montant de la somme avancée exclut la qualification de contrat de crédit" ; où l'on voit un critère d'aléa surgir dans le débat : en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification d'opération de crédit, laquelle s'entend, notamment, de toute facilité de paiement, la cour d'appel, qui n'a pas fait la recherche que les conclusions de FREE imposaient ; une motivation suit sur "le report du prix d'achat du mobile" ; on se demandera si la facilité de paiement est ici notablement éclairée ;
- "qu'une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur" ; la phrase semble forte mais pourtant elle est banale pour avoir une portée banale : dans la plupart des crédits d'un bien, le transfert de la chose est immédiat, le crédit-bail étant le contre-exemple ; la phrase est tournée de telle manière qu'on croirait qu'elle est originale alors qu'elle ne l'est pas. Une opération n'est pas... ne dit pas ce qu'est un crédit.
Le crédit pose bien une difficulté fondamentale.
On reviendra plus tard sur notre proposition d'un nouveau critère, l'engagement d'avance. Composite et inédite, l'expression est constituée de notions qui préexistent.
L'initiative s'autorise du besoin de proposer des idées pures (Des idées juridiques à la rencontre du droit bancaire... et financier, Lexbase, Etude, Hebdo édition affaires n°490 du 1er décembre 2016).
--------------------------------
1) Article L 313-1
Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.
Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.
EXTRAITS !
Coupable synthèse pédagogique... et peut-être aussi anti-pédagogique...!
Source Legifrance
Cour de cassation
Chambre commerciale
Audience publique du mercredi 7 mars 2018
N° de pourvoi: 16-16645
Publié au bulletin Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a commercialisé des forfaits dits « Carré » associés à une offre « prix Eco », offrant aux consommateurs le choix entre un abonnement à un service de téléphonie sans achat d'un terminal mobile, à un prix dit « prix Eco », et un forfait associé à l'acquisition d'un téléphone mobile, auquel cas, le consommateur pouvait, lors de la souscription de l'abonnement, opter soit pour l'acquisition du mobile à un prix dit « prix de référence » assorti d'un forfait « à prix Eco », soit pour l'acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d'abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu'à son terme de douze ou vingt-quatre mois, le forfait revenant ensuite au prix « Eco » ; que soutenant que cette dernière formule caractérisait une opération de crédit méconnaissant les dispositions régissant l'information des consommateurs, ainsi qu'une pratique commerciale trompeuse à l'égard de ces derniers, constitutives de concurrence déloyale, la société Free mobile (la société Free) a assigné la société SFR en réparation de son préjudice et cessation des pratiques ; qu'invoquant un dénigrement, cette dernière a demandé reconventionnellement réparation de son préjudice ;
Sur le second moyen :
…
Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et sixième branches :
Vu l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société Free, l'arrêt, après avoir énoncé que la qualification d'opération de crédit suppose que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer en totalité, constate que, dans les formules « Carré » en cause, la société SFR propose concomitamment un contrat de vente d'un terminal mobile et un contrat de prestations de services par souscription d'un abonnement à un service de téléphonie pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, chaque contrat relevant de conditions générales distinctes, qu'il ressort des conditions générales du contrat de vente qu'en le souscrivant, l'acquéreur acquiert un terminal mobile selon un prix attractif affiché, soit un prix convenu entre les parties qu'il paie comptant à la livraison, et qu'il n'existe aucun engagement de payer à terme la totalité ou partie du prix, de sorte que le vendeur ne lui consent aucun délai pour payer le prix de la vente après la livraison du terminal, sauf dans l'hypothèse particulière d'une vente à distance par téléphone ou internet lorsque le téléphone est envoyé avant d'avoir été payé, mais que, dans ce cas, le paiement du prix convenu doit intervenir dans le délai d'un mois au plus tard après la livraison du terminal, ce qui exclut l'application des dispositions du crédit à la consommation en vertu de l'article L. 311-3, 4° du code de la consommation, le délai de remboursement du prix étant inférieur à trois mois ; qu'il ajoute qu'il n'est pas démontré que, comme le soutient la société Free, la majoration du coût de l'abonnement corresponde au différentiel entre le prix attractif du téléphone et son véritable prix, d'autant que le différentiel entre le prix de référence et le prix attractif est fixe par catégorie de forfaits et que le prix de l'abonnement n'est pas corrélé à celui du terminal mobile, et qu'il existe de nombreuses hypothèses de résiliations anticipées légales ou conventionnelles (rétractation, chômage, ouverture d'une procédure collective, surendettement, hospitalisations, incarcération, déménagement, force majeure, augmentation de tarif en cours d'exécution, changement de forfait dès quatre mois après l'achat du mobile) où, quelle que soit la durée de l'abonnement (douze ou vingt-quatre mois), le consommateur n'est pas tenu de rembourser l'intégralité des mensualités de l'abonnement jusqu'au terme du contrat, de sorte que la condition tenant au remboursement de l'intégralité de l'avance consentie, inhérente au contrat de crédit, fait défaut ; qu'il relève encore que, lors de la souscription du contrat, la survenance de ces événements susceptibles d'affecter l'exécution du contrat d'abonnement est imprévisible, de sorte qu'à la date de la formation du contrat, la durée réelle d'engagement du consommateur n'est pas connue et, partant, le montant de l'avance sur le prix qu'aurait consentie le vendeur est indéterminé, alors même que le prix attractif payé et le prix de référence du mobile sont certains et demeureront inchangés ; qu'il en déduit que, dans le cadre de l'opération économique en cause, l'obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, n'existe pas et qu'à tout le moins, l'aléa quant au montant de la somme avancée exclut la qualification de contrat de crédit ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification d'opération de crédit, laquelle s'entend, notamment, de toute facilité de paiement, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique n'était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile, qu'aucune autre explication rationnelle ne justifiait, ce dont il serait résulté que la société SFR s'assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, peu important l'aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève aussi que, dès le paiement du prix convenu, la propriété de l'appareil est transférée instantanément et définitivement à l'acquéreur, qu'il n'existe aucune clause de réserve de propriété au bénéfice du vendeur après ce paiement, en dehors de celle déjà examinée lorsque le bien a été livré avant le paiement qui doit intervenir dans le délai maximum d'un mois, et que plus particulièrement, aucune clause suspendant le transfert de propriété au paiement des mensualités de l'abonnement ou encore le corrélant à la durée de celui-ci n'est prévue, de sorte que la propriété du mobile ne dépend pas du paiement des échéances mensuelles du forfait d'abonnement, aucune restitution du terminal n'étant d'ailleurs envisagée en cas de défaut de paiement des mensualités de l'abonnement, aucun autre événement affectant l'abonnement (exercice du droit de rétractation, résiliation anticipée, exercice du droit annuel de résiliation, choix d'une autre offre à tarif moins onéreux) n'ayant d'incidence sur la vente du terminal, qui est définitivement acquise au consommateur, aucune restitution de quelque sorte que ce soit (téléphone ou quote-part de prix restant due) n'étant convenue entre les parties, cependant que l'obligation de restituer l'avance perçue, qui est de résultat, est inhérente à l'octroi d'un crédit ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Sur le même moyen, pris en sa septième branche :
…
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Free mobile… ;
Annexe : Code de la consommation
Article L. 311-1 (Ancien. Adopté par L. n°2010-737 du 1er juillet 2010. Abrogé par Ord. n° 2016-301 du 14 mars 2016 - art. 34, V) :
Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :
1° …
4° Opération ou contrat de crédit, une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ; …
9° Contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ; …
Coupable synthèse pédagogique... et peut-être aussi anti-pédagogique...!
Source Legifrance
Cour de cassation
Chambre commerciale
Audience publique du mercredi 7 mars 2018
N° de pourvoi: 16-16645
Publié au bulletin Cassation partielle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a commercialisé des forfaits dits « Carré » associés à une offre « prix Eco », offrant aux consommateurs le choix entre un abonnement à un service de téléphonie sans achat d'un terminal mobile, à un prix dit « prix Eco », et un forfait associé à l'acquisition d'un téléphone mobile, auquel cas, le consommateur pouvait, lors de la souscription de l'abonnement, opter soit pour l'acquisition du mobile à un prix dit « prix de référence » assorti d'un forfait « à prix Eco », soit pour l'acquisition à un prix « attractif », associée à un engagement d'abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu'à son terme de douze ou vingt-quatre mois, le forfait revenant ensuite au prix « Eco » ; que soutenant que cette dernière formule caractérisait une opération de crédit méconnaissant les dispositions régissant l'information des consommateurs, ainsi qu'une pratique commerciale trompeuse à l'égard de ces derniers, constitutives de concurrence déloyale, la société Free mobile (la société Free) a assigné la société SFR en réparation de son préjudice et cessation des pratiques ; qu'invoquant un dénigrement, cette dernière a demandé reconventionnellement réparation de son préjudice ;
Sur le second moyen :
…
Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et sixième branches :
Vu l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société Free, l'arrêt, après avoir énoncé que la qualification d'opération de crédit suppose que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer en totalité, constate que, dans les formules « Carré » en cause, la société SFR propose concomitamment un contrat de vente d'un terminal mobile et un contrat de prestations de services par souscription d'un abonnement à un service de téléphonie pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, chaque contrat relevant de conditions générales distinctes, qu'il ressort des conditions générales du contrat de vente qu'en le souscrivant, l'acquéreur acquiert un terminal mobile selon un prix attractif affiché, soit un prix convenu entre les parties qu'il paie comptant à la livraison, et qu'il n'existe aucun engagement de payer à terme la totalité ou partie du prix, de sorte que le vendeur ne lui consent aucun délai pour payer le prix de la vente après la livraison du terminal, sauf dans l'hypothèse particulière d'une vente à distance par téléphone ou internet lorsque le téléphone est envoyé avant d'avoir été payé, mais que, dans ce cas, le paiement du prix convenu doit intervenir dans le délai d'un mois au plus tard après la livraison du terminal, ce qui exclut l'application des dispositions du crédit à la consommation en vertu de l'article L. 311-3, 4° du code de la consommation, le délai de remboursement du prix étant inférieur à trois mois ; qu'il ajoute qu'il n'est pas démontré que, comme le soutient la société Free, la majoration du coût de l'abonnement corresponde au différentiel entre le prix attractif du téléphone et son véritable prix, d'autant que le différentiel entre le prix de référence et le prix attractif est fixe par catégorie de forfaits et que le prix de l'abonnement n'est pas corrélé à celui du terminal mobile, et qu'il existe de nombreuses hypothèses de résiliations anticipées légales ou conventionnelles (rétractation, chômage, ouverture d'une procédure collective, surendettement, hospitalisations, incarcération, déménagement, force majeure, augmentation de tarif en cours d'exécution, changement de forfait dès quatre mois après l'achat du mobile) où, quelle que soit la durée de l'abonnement (douze ou vingt-quatre mois), le consommateur n'est pas tenu de rembourser l'intégralité des mensualités de l'abonnement jusqu'au terme du contrat, de sorte que la condition tenant au remboursement de l'intégralité de l'avance consentie, inhérente au contrat de crédit, fait défaut ; qu'il relève encore que, lors de la souscription du contrat, la survenance de ces événements susceptibles d'affecter l'exécution du contrat d'abonnement est imprévisible, de sorte qu'à la date de la formation du contrat, la durée réelle d'engagement du consommateur n'est pas connue et, partant, le montant de l'avance sur le prix qu'aurait consentie le vendeur est indéterminé, alors même que le prix attractif payé et le prix de référence du mobile sont certains et demeureront inchangés ; qu'il en déduit que, dans le cadre de l'opération économique en cause, l'obligation de remboursement, inhérente à toute opération de crédit, n'existe pas et qu'à tout le moins, l'aléa quant au montant de la somme avancée exclut la qualification de contrat de crédit ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification d'opération de crédit, laquelle s'entend, notamment, de toute facilité de paiement, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique n'était pas établi par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur était concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile, qu'aucune autre explication rationnelle ne justifiait, ce dont il serait résulté que la société SFR s'assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, peu important l'aléa, théorique ou en tous cas limité, pouvant affecter le remboursement des sommes avancées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Sur le même moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt relève aussi que, dès le paiement du prix convenu, la propriété de l'appareil est transférée instantanément et définitivement à l'acquéreur, qu'il n'existe aucune clause de réserve de propriété au bénéfice du vendeur après ce paiement, en dehors de celle déjà examinée lorsque le bien a été livré avant le paiement qui doit intervenir dans le délai maximum d'un mois, et que plus particulièrement, aucune clause suspendant le transfert de propriété au paiement des mensualités de l'abonnement ou encore le corrélant à la durée de celui-ci n'est prévue, de sorte que la propriété du mobile ne dépend pas du paiement des échéances mensuelles du forfait d'abonnement, aucune restitution du terminal n'étant d'ailleurs envisagée en cas de défaut de paiement des mensualités de l'abonnement, aucun autre événement affectant l'abonnement (exercice du droit de rétractation, résiliation anticipée, exercice du droit annuel de résiliation, choix d'une autre offre à tarif moins onéreux) n'ayant d'incidence sur la vente du terminal, qui est définitivement acquise au consommateur, aucune restitution de quelque sorte que ce soit (téléphone ou quote-part de prix restant due) n'étant convenue entre les parties, cependant que l'obligation de restituer l'avance perçue, qui est de résultat, est inhérente à l'octroi d'un crédit ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une opération de crédit n'est pas incompatible avec le transfert immédiat de la propriété du bien financé à l'emprunteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé;
Sur le même moyen, pris en sa septième branche :
…
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Free mobile… ;
Annexe : Code de la consommation
Article L. 311-1 (Ancien. Adopté par L. n°2010-737 du 1er juillet 2010. Abrogé par Ord. n° 2016-301 du 14 mars 2016 - art. 34, V) :
Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :
1° …
4° Opération ou contrat de crédit, une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ; …
9° Contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ; …