Il est possible que je doive beaucoup à Guy de Maupassant. Il a pu me montrer un exemple de vivacité d'esprit, de synthèse et de capacité à se prononcer. Je le lisais il y a plus de trente ans et, pour fêter cette prescription, je le relisais, là.
Les chroniques sont parfois peu utilisables. Elle narrent des affaires oubliées et, parfois aussi, en creux, les dessous des dames ou les pantalons baissés des messieurs qui, tous, femmes et hommes, tournent en rond dans Paris pour se convaincre qu'ils existent. Rien ne change, surtout pas les gens ― remplacés tout de même.
D'autres chroniques sont éternelles, sur Flaubert ou sur l'art de gouverner (j'y ai fait référence dans mon récent papier sur Zemmour).
Une autre, "Adieu mystères" est très belle. Pour remercier l'auteur, je lui confesse 140 ans après sa publication que je la juge insuffisante ; mais je parle à un jeune homme. Maupassant est mort à 39 ans, emporté par ses passions, et ce jugement est donc empli d'affection.
Un livre est un investissement ! Renouer avec ces chroniques fut un plaisir, et je me félicite de cet achat de 1980 ou 1981 qui, déjà, en plusieurs points, avaient dû contribuer à m'instruire. Ces chroniques ressemblent davantage aujourd'hui à des nouvelles qu'à des chroniques de presse, tant les articles de presse côtoient, désormais, autant la vacuité que l'actualité. On n'ose pas même évoquer le style journalistique actuel.
"Adieu mystères" est l'une des chroniques qui m'a retenu. Elle laisse un peu sur sa faim et, néanmoins, l'essentiel d'un problème philosophique éternel y est posé. Les bredouilleurs de la Tech peuvent la lire pour réaliser qu'ils ne sont déjà, en quelque sorte, que du passé.
L'auteur dit dans un premier temps, en quelques mots, la vérité sur l'effet scientifique : il purge les mystères. Il donne des lois (scientifiques). Il fixe. Il éclaire en ôtant le mystère. Il édifie. La chronique loue ces progrès, Maupassant était un moderne. Les chroniques sont des essais rapides pour un grand public, comme en atteste "Adieu mystère" publiée dans Le Gaulois, le 8 novembre 1881.
Cependant, tout en louant la science et ses applications, sans réserve aucune, Maupassant en éprouve une gêne. Son honnêteté ne le conduit pas à la taire comme l'esprit actuel, veule, souvent le fait. Il écrit à franche plume. A l'inverse il clame cette gêne, avouant ainsi ses contraires !
Quelques mots lui suffisent à exprimer la chose purement :
"Eh bien, malgré moi, malgré mon vouloir et la joie de cette émancipation, tous ces voiles levés m'attristent. Il me semble que l'on a dépeuplé le monde. On a supprimé l'Invisible. Et tout me paraît muet, vide, abandonné !"
Maupassant aurait pu dire, après s'être dit nu face à la montée des progrès scientifiques et techniques, qu'il avait besoin de poésie ou de la poésie. Il ne grave pas le mot là. Il l'avait fait au-dessus. La chronique repose sur l'hypothèse que les poètes sont mis aux oubliettes par les progrès scientifiques.
Sa méthode, non plus que l'époque, de toute façon, ne lui permettait d'atténuer d'une note poétique l'élan scientifique.
Mais les décennies qui suivirent ouvrirent une brèche dans la rationalisme le plus intense, et parfois du fait même des plus brillants scientifiques. S'il avait connu ces ouvertures, il se serait posé la question, avec passion, du lien et des interactions entre analyse scientifique et exercice poétique.
Les chroniques sont parfois peu utilisables. Elle narrent des affaires oubliées et, parfois aussi, en creux, les dessous des dames ou les pantalons baissés des messieurs qui, tous, femmes et hommes, tournent en rond dans Paris pour se convaincre qu'ils existent. Rien ne change, surtout pas les gens ― remplacés tout de même.
D'autres chroniques sont éternelles, sur Flaubert ou sur l'art de gouverner (j'y ai fait référence dans mon récent papier sur Zemmour).
Une autre, "Adieu mystères" est très belle. Pour remercier l'auteur, je lui confesse 140 ans après sa publication que je la juge insuffisante ; mais je parle à un jeune homme. Maupassant est mort à 39 ans, emporté par ses passions, et ce jugement est donc empli d'affection.
Un livre est un investissement ! Renouer avec ces chroniques fut un plaisir, et je me félicite de cet achat de 1980 ou 1981 qui, déjà, en plusieurs points, avaient dû contribuer à m'instruire. Ces chroniques ressemblent davantage aujourd'hui à des nouvelles qu'à des chroniques de presse, tant les articles de presse côtoient, désormais, autant la vacuité que l'actualité. On n'ose pas même évoquer le style journalistique actuel.
"Adieu mystères" est l'une des chroniques qui m'a retenu. Elle laisse un peu sur sa faim et, néanmoins, l'essentiel d'un problème philosophique éternel y est posé. Les bredouilleurs de la Tech peuvent la lire pour réaliser qu'ils ne sont déjà, en quelque sorte, que du passé.
L'auteur dit dans un premier temps, en quelques mots, la vérité sur l'effet scientifique : il purge les mystères. Il donne des lois (scientifiques). Il fixe. Il éclaire en ôtant le mystère. Il édifie. La chronique loue ces progrès, Maupassant était un moderne. Les chroniques sont des essais rapides pour un grand public, comme en atteste "Adieu mystère" publiée dans Le Gaulois, le 8 novembre 1881.
Cependant, tout en louant la science et ses applications, sans réserve aucune, Maupassant en éprouve une gêne. Son honnêteté ne le conduit pas à la taire comme l'esprit actuel, veule, souvent le fait. Il écrit à franche plume. A l'inverse il clame cette gêne, avouant ainsi ses contraires !
Quelques mots lui suffisent à exprimer la chose purement :
"Eh bien, malgré moi, malgré mon vouloir et la joie de cette émancipation, tous ces voiles levés m'attristent. Il me semble que l'on a dépeuplé le monde. On a supprimé l'Invisible. Et tout me paraît muet, vide, abandonné !"
Maupassant aurait pu dire, après s'être dit nu face à la montée des progrès scientifiques et techniques, qu'il avait besoin de poésie ou de la poésie. Il ne grave pas le mot là. Il l'avait fait au-dessus. La chronique repose sur l'hypothèse que les poètes sont mis aux oubliettes par les progrès scientifiques.
Sa méthode, non plus que l'époque, de toute façon, ne lui permettait d'atténuer d'une note poétique l'élan scientifique.
Mais les décennies qui suivirent ouvrirent une brèche dans la rationalisme le plus intense, et parfois du fait même des plus brillants scientifiques. S'il avait connu ces ouvertures, il se serait posé la question, avec passion, du lien et des interactions entre analyse scientifique et exercice poétique.
La question est aujourd'hui périodiquement posée. Physiciens et mathématiciens, épuisés d'équations infinies et dématérialisées, éprouvent le besoin d'un inspiration. Elle est souvent poétique.
Ainsi, les chroniques de Maupassant, qui méritent le détour, m'évoquèrent hier. Le bouquiniste de la rue de l'université à la pente si rude. Tout en me plongeant dans le présent le plus vif. La Tech ! Voilà le même tiraillement que celui que Maupassant éprouvait en arpentant, en 1885, le Palais de l'Industrie qui lui semblait effacer la poésie, les lettres.
L'affaire n'est pas bouclée plus d'un siècle plus tard, et loin s'en faut, la poésie demeure y compris au coeur de la science.
Ainsi, les chroniques de Maupassant, qui méritent le détour, m'évoquèrent hier. Le bouquiniste de la rue de l'université à la pente si rude. Tout en me plongeant dans le présent le plus vif. La Tech ! Voilà le même tiraillement que celui que Maupassant éprouvait en arpentant, en 1885, le Palais de l'Industrie qui lui semblait effacer la poésie, les lettres.
L'affaire n'est pas bouclée plus d'un siècle plus tard, et loin s'en faut, la poésie demeure y compris au coeur de la science.