Les grandes mutations du droit se font désormais dans un brouhaha et, si les juristes ne font qu'y participer, à la marge, ces méthodes changent l'esprit qui présidait à l'analyse juridique. Les formules fusent, les idées s'enchaînent, les mots les plus incertains deviennent les plus certaines évidences par leur seule répétition, les idées de tous sont reprises et reprises et reprises encore, devenant des dogmes.
Tel sujet ou telle matière - parfois même avant d'exister - fait ainsi des "adeptes" heureux d'appartenir à un groupe, un clan, un mouvement à la mode, une communauté : oui, c'est cela, les communautés sont à la mode. Le religieux ou la croyance d'un sujet - résumés en quelques dogmes - suppléent le rationnel, le droit de qualité.
Tous les réseaux sociaux, éditeurs, auteurs, ou presque y participent. Ainsi naissent des bulles. Aussi géantes qu'insignifiantes. Elles occupent néanmoins les esprits. Les bulles... l'exemple de la bulle FinTech a ainsi occupé les esprits (mais l'ACPR elle-même n'a pas publié la liste des FinTechs sur lesquels elle organise des colloques), un peu plus on faisait des colloques sur le sujet, qui n'existe pas dans la sphère juridique et n'a a priori aucune raison d'exister - en droit. Et encore moins dans la sphère bancaire et financière très réglementée où tout opérateur doit avoir son statut juridique...
La bulle est presque rien, mais pas rien.
La bulle a toujours une cause, difficile à cerner (surtout en droit), et ce qui est intéressant à dire consiste dans ce qu'il en restera dans dix ou vingt ans, mission presque impossible. Ce qui est intéressant est de détecter ce qui est, potentiellement, ou déjà, du "dur juridique", ou du "juridique dur". Du moins pour le juriste... le philosophe peut en extirper une infinie éthique qui jamais ne servira au juriste qui a quelque souci pratique (...).
Dire cela est quasiment impossible ou inutile dans certaines ambiances aussi tapageuses que sourdes. Seule la bulle s'entend, le gros bruit. Il ne s'agit pas de dire quelque chose d'intelligent, par exemple, sur les FinTech ; au temps de la bulle, il s'agit seulement de dire, justement, "FinTech". Ne commençons pas par dire que "FinTech" ne veut rien dire, spécialement en droit, non : disons FinTech.
Le bruit social et économique sur les innovations politiques et juridiques dissimulent les (vraies) innovations juridiques voire, parfois, finit par les tuer. Ainsi, les idées juridiques dures et simples manquent sur nombre de sujets. Les ICO de blockchain sont un merveilleux outil de financement qui n'est pas bien souligné en tant que tel ; des acteurs classiques devraient s'en servir, mais le débat sur la blockchain est noyé par des discussions interminables sur le Bitcoin, les cryptos et maintenant les NFT.
Ainsi, et pareillement, la compliance est une bulle. Je suis plutôt à l'idée que le contexte international va la faire dégonfler. Exiger des buts monumentaux aux grandes entreprises quand tout manque et que la guerre menace est un luxe. Mais par une pirouette des faits ce pourrait être l'inverse. Aussi est-il utile, pour le chercheur, et haut responsable juridique, en charge d'une stratégie juridique qui dépasse le biennal, d'y réfléchir.
Dans cette bulle, le droit de la compliance qui monte, comme un droit neuf et plural, voire omnipotent, doit interroger, sur deux points, pour savoir s'il mérite la qualification de matière et surtout pour son contenu. Ce contenu est bien connu depuis au moins vingt ans dans la banque où l'on exige toutes sortes d'obligations à la charge des établissements de crédit avec un cumul de contrôles, d'inspections, reporting, comités, responsables, d'agréments, d'Autorités etc. Ce contenu est d'une banalité consommée pour avoir été décrit comme le fait ou le produit de la régulation (un phénomène juridique dont le bruit de la mode a cessé mais qui opère au fond).
La conformité est un des éléments de la régulation avec son responsable, son service, sa capacité à tout ramener en un point dans l'organisme. La vue politique naïve du moment se retrouve. Si l'on désigne un responsable de la conformité avec quelques pouvoirs tout sera conforme. La conformité finit par laisser penser que la conformité permettra d'atteindre le Graal de la conformité... On tourne en rond, l'époque est idiote et elle fait tout pour le rester. Naturellement cette politique législative n'est pas vaine, elle recycle l'ordre public qui est ainsi mis sur la tête des entreprises car l'Etat ne s'en dépatouille pas. Cela peut-il tenir longtemps au-delà d'un effet général de "responsabilisation" des conseils d'administration, des dirigeants sociaux et des salariés ?
Et du reste, pour quel effet majeur ?
Pour mémoire, la conformité avait atteint un beau niveau de maturité dès avant la crise mondiale financière de 2007-2008... Toutes les institutions publiques mondiales disaient que tout allait bien. Des ouvrages de droit décrivaient avec rigueur ce monde de régulation et conformité. On a vu son efficacité. Et nous ne serons pas cruels au point de sortir des propos de présidents d'autorité de régulation ou de ministres sur la régulation ou la conformité : leur régulation et compliance fut pourtant de nul effet pourrait-on juger si l'on ignorait l'importance de la nuance.
A l'époque, on chargea les agences de notation...
Mais passons.
Que voulions-nous dire ? (rien ne peut être dit d'intéressant sans, au moins, trois pages préalables)
S'il y a un droit neuf, un droit de la compliance, alors il est probable qu'il réponde à quelque principe qui le distingue et l'articule avec, notamment, le droit civil. On peut aussi tourner les choses autrement, et se demander quel est le critère de la matière. L'opération intellectuelle est alors plus ardue.
Un droit neuf doit être situé par rapport au "grand droit", l'antre du droit commun, le droit civil. Le droit civil n'est pas, lui, une promesse, mais une réalisation en place et opérationnelle (avec bien des défauts...).
On peut donc se poser la question voire la formuler ainsi.
Quel est le "principe compliance" ?
P. S.
On laissera le lecteur méditer avant que de reprendre cette discussion et d'essayer, un jour, peut-être, le cas échéant entre deux cours, une distinction. Cela dit on peut céder à des idées plus faciles et inutiles : pourquoi ne pas exiger et seriner une compliance de confiance... comme l'IA... pour ainsi régler tous les problèmes... sauf celui ou ceux posés.
Tel sujet ou telle matière - parfois même avant d'exister - fait ainsi des "adeptes" heureux d'appartenir à un groupe, un clan, un mouvement à la mode, une communauté : oui, c'est cela, les communautés sont à la mode. Le religieux ou la croyance d'un sujet - résumés en quelques dogmes - suppléent le rationnel, le droit de qualité.
Tous les réseaux sociaux, éditeurs, auteurs, ou presque y participent. Ainsi naissent des bulles. Aussi géantes qu'insignifiantes. Elles occupent néanmoins les esprits. Les bulles... l'exemple de la bulle FinTech a ainsi occupé les esprits (mais l'ACPR elle-même n'a pas publié la liste des FinTechs sur lesquels elle organise des colloques), un peu plus on faisait des colloques sur le sujet, qui n'existe pas dans la sphère juridique et n'a a priori aucune raison d'exister - en droit. Et encore moins dans la sphère bancaire et financière très réglementée où tout opérateur doit avoir son statut juridique...
La bulle est presque rien, mais pas rien.
La bulle a toujours une cause, difficile à cerner (surtout en droit), et ce qui est intéressant à dire consiste dans ce qu'il en restera dans dix ou vingt ans, mission presque impossible. Ce qui est intéressant est de détecter ce qui est, potentiellement, ou déjà, du "dur juridique", ou du "juridique dur". Du moins pour le juriste... le philosophe peut en extirper une infinie éthique qui jamais ne servira au juriste qui a quelque souci pratique (...).
Dire cela est quasiment impossible ou inutile dans certaines ambiances aussi tapageuses que sourdes. Seule la bulle s'entend, le gros bruit. Il ne s'agit pas de dire quelque chose d'intelligent, par exemple, sur les FinTech ; au temps de la bulle, il s'agit seulement de dire, justement, "FinTech". Ne commençons pas par dire que "FinTech" ne veut rien dire, spécialement en droit, non : disons FinTech.
Le bruit social et économique sur les innovations politiques et juridiques dissimulent les (vraies) innovations juridiques voire, parfois, finit par les tuer. Ainsi, les idées juridiques dures et simples manquent sur nombre de sujets. Les ICO de blockchain sont un merveilleux outil de financement qui n'est pas bien souligné en tant que tel ; des acteurs classiques devraient s'en servir, mais le débat sur la blockchain est noyé par des discussions interminables sur le Bitcoin, les cryptos et maintenant les NFT.
Ainsi, et pareillement, la compliance est une bulle. Je suis plutôt à l'idée que le contexte international va la faire dégonfler. Exiger des buts monumentaux aux grandes entreprises quand tout manque et que la guerre menace est un luxe. Mais par une pirouette des faits ce pourrait être l'inverse. Aussi est-il utile, pour le chercheur, et haut responsable juridique, en charge d'une stratégie juridique qui dépasse le biennal, d'y réfléchir.
Dans cette bulle, le droit de la compliance qui monte, comme un droit neuf et plural, voire omnipotent, doit interroger, sur deux points, pour savoir s'il mérite la qualification de matière et surtout pour son contenu. Ce contenu est bien connu depuis au moins vingt ans dans la banque où l'on exige toutes sortes d'obligations à la charge des établissements de crédit avec un cumul de contrôles, d'inspections, reporting, comités, responsables, d'agréments, d'Autorités etc. Ce contenu est d'une banalité consommée pour avoir été décrit comme le fait ou le produit de la régulation (un phénomène juridique dont le bruit de la mode a cessé mais qui opère au fond).
La conformité est un des éléments de la régulation avec son responsable, son service, sa capacité à tout ramener en un point dans l'organisme. La vue politique naïve du moment se retrouve. Si l'on désigne un responsable de la conformité avec quelques pouvoirs tout sera conforme. La conformité finit par laisser penser que la conformité permettra d'atteindre le Graal de la conformité... On tourne en rond, l'époque est idiote et elle fait tout pour le rester. Naturellement cette politique législative n'est pas vaine, elle recycle l'ordre public qui est ainsi mis sur la tête des entreprises car l'Etat ne s'en dépatouille pas. Cela peut-il tenir longtemps au-delà d'un effet général de "responsabilisation" des conseils d'administration, des dirigeants sociaux et des salariés ?
Et du reste, pour quel effet majeur ?
Pour mémoire, la conformité avait atteint un beau niveau de maturité dès avant la crise mondiale financière de 2007-2008... Toutes les institutions publiques mondiales disaient que tout allait bien. Des ouvrages de droit décrivaient avec rigueur ce monde de régulation et conformité. On a vu son efficacité. Et nous ne serons pas cruels au point de sortir des propos de présidents d'autorité de régulation ou de ministres sur la régulation ou la conformité : leur régulation et compliance fut pourtant de nul effet pourrait-on juger si l'on ignorait l'importance de la nuance.
A l'époque, on chargea les agences de notation...
Mais passons.
Que voulions-nous dire ? (rien ne peut être dit d'intéressant sans, au moins, trois pages préalables)
S'il y a un droit neuf, un droit de la compliance, alors il est probable qu'il réponde à quelque principe qui le distingue et l'articule avec, notamment, le droit civil. On peut aussi tourner les choses autrement, et se demander quel est le critère de la matière. L'opération intellectuelle est alors plus ardue.
Un droit neuf doit être situé par rapport au "grand droit", l'antre du droit commun, le droit civil. Le droit civil n'est pas, lui, une promesse, mais une réalisation en place et opérationnelle (avec bien des défauts...).
On peut donc se poser la question voire la formuler ainsi.
Quel est le "principe compliance" ?
P. S.
On laissera le lecteur méditer avant que de reprendre cette discussion et d'essayer, un jour, peut-être, le cas échéant entre deux cours, une distinction. Cela dit on peut céder à des idées plus faciles et inutiles : pourquoi ne pas exiger et seriner une compliance de confiance... comme l'IA... pour ainsi régler tous les problèmes... sauf celui ou ceux posés.