Le phénomène de conformité signe une nouvelle façon de faire du droit voire, peut-être, le simple fait de voir de nouveaux acteurs qui, seulement, seulement (!), font du droit autrement ; faire du droit en dirigeant ses analyses et actes contre des entités et des personnes pour les contrôler. Il y a de nouveaux acteurs qui font du droit en contrôlant l'entité qui les emploie et, aussi, toutes les personnes qui ont lien avec elle. A tous ils s'adressent, et ils cherchent à savoir si leurs actes sont conformes au droit.
Le commissaire aux comptes à toujours fait cela... et d'autres... dans les organisations sophistiquées.
Le phénomène de conformité signerait surtout une nouvelle matière, et l'opportunisme (commercial) des éditeurs n'a pas manqué d'offrir un code ou d'autres publications de compliance ou sur la compliance. Dans ce contexte, oser ramener la compliance à la dimension qu'elle avait il y a vingt ans serait presque attentatoire à l'élan du moment, alors que, pourtant, c'est plutôt y chercher sereinement les sources d'une matière. Depuis plus de vingt ans, les services de conformités travaillent. Ils n'avaient pas nécessairement pensé que leur façon de faire du droit avait besoin de devenir une matière.
Cela dit, tout sujet qui grossit, de textes et d'autres considérations, peut devenir une matière. Le "développement personnel" est en passe de devenir une matière qui évincerait la philosophie et la psychologie des étagères des libraires si l'on n'y prenait garde.
Une matière... ce seul mot est un (trop) vaste sujet.
Souvent on désigne abusivement une matière juridique, ainsi du "droit de la vente" ou d'autres ; pour une reconnaissance sérieuse, une matière suppose une délimitation, sachant que la délimitation pédagogique importe (songez à la Cour de cassation qui ose écrire dans quelques arrêts "en droit cambiaire", idée qu'aucun code ne consacre, la loi ignorant même le terme...). La pédagogie peut désigner une matière, plus ou moins utilement, qui n'existe pas au plan scientifique mais qu'il est utile d'enseigner car cela débouche sur un métier.
"Un Droit", une matière juridique, suppose en outre la spécificité des sources, la spécificité de la pratique des raisonnements (interprétations) et, si possible, un domaine qui s'entende, au moins dans ses effets.
Pour avoir été raillé, il y a plus de trente ans, pour avoir dit "droit financier", on sera prudent (il ne faut pas railler et ensuite écrire un livre sur le sujet...). Certains avaient cru que, par "matière" j'entendais un droit autonome, ce que je pense n'avoir jamais écrit ; une matière existe par le cumul de spécificités qui la distinguent sans la rendre autonome (l'autonomie des branches du droit est bien devenue un mythe). Je me réserve donc le droit d'écrire un droit de la compliance (dans trente ans).
Il est douteux que la conformité (compliance) forme une matière juridique si l'on s'en tient aux conditions classiques - qui toutefois tiennent ou plutôt viennent de deux mille ans en arrière.
Il faudrait d'ailleurs traiter la difficulté (à mon sens surmontable) de la variété des sources qui caractériserait le possible "droit de la compliance". Le droit civil est fait de lois civiles, le droit commercial de lois commerciales, le pénal aussi... Or le droit de la conformité n'impose pas d'évidences un corpus de lois de compliance. Certains diront mais si ! On a cependant l'impression que ce sont plutôt des séries de dispositions qui sont en cause. Mais, disions-nous, la variété des sources pose problème. Ce qui dans ces lois est commercial sera vu comme loi commerciale, ce qui est pénal sera vu comme du droit pénal, le texte de droit du travail du droit du travail... Non mais !
Bref, si l'on rend à César ce qui appartient à César, la compliance en prend un coup.
Et en l'espèce, pour la compliance, il n'y aura pas des autorités de régulation pour boucler le phénomène, car les autorités de régulation sont du droit de la régulation... un nouveau Droit tient lui aussi à son rang et à sa place, encore que l'encyclopédie qu'il mériterait n'existe pas.
On disait cependant, ici même, que l'allure de la compliance (ou conformité) semble offrir une modernisation à ce point majeure qu'elle rivalise avec l'ordre juridique traditionnel, soit avec l'ordre juridique de droit écrit. Avec notre système de droit écrit. Celui qui a deux mille ans. Ou deux cents ans selon ce que l'on regarde. Celui qui est notre quotidien.
Nous ne croyons pas à une réelle concurrence du phénomène nouveau qui est enclavé dans les organisations (grandes entreprises), dans des processus internes (les ), tout en dépendant de lois qui restent spéciales (et qui le restent vraiment : le modèle de la conformité bancaire, par exemple, vieille de 30 ans, ne s'est pas étendue à toutes les entreprises... même si la LCB-FT est étendue à de nombreux professionnels).
Nous voyons mal le droit civil s'éteindre ou passer au second plan, avec le commercial (pas très en forme il est vrai), et le fiscal, le pénal, le travail et, de ce recul général, voir la compliance dominer le tout et refondre les divisions du droit, les méthodes et bien sût trier parmi les règles traditionnelles pour n'en retenir que certaines ou privilégier l'application de quelques autres.
Si un dictateur m'offrait sa plume de législateur autocrate je ne saurais comment m'y prendre pour refondre toutes les matières pour établir, en surplomb, la grande matière du droit de la compliance et je finirai donc emprisonné après lui avoir dit : "cela est impossible".
Mais il est vrai que la délimitation intellectuelle n'a aucun sens ou peu de poids quand la question tient à une stratégie et à des intérêts et que certains veulent surtout faire des affaires ; là, le droit de la compliance ne remplace rien mais vise à tout ajuster, c'est-à-dire à ajuster toute matière juridique et à tirer des factures sur tout sujet. L'intégrité scientifique est un grand sujet du droit (loi et loi Vidal) mais non un sujet pour les juristes. Dans ce cas, la matière n'en est plus une réellement, elle n'est plus une révolution intellectuelle, juste un métier juridique voire seulement un art professionnel (complémentaire à divers métiers, notamment du droit). L'ambition de nombreux auteurs et acteurs outrepasse toutefois la question des affaires et des chiffres d'affaires.
Enfin, un dernier obstacle entrave l'avènement d'une matière juridique nouvelle, je l'ai dite mais j'en explicite ici les ressorts sociologiques et logiques.
La compliance est une suite de la régulation, c'est parce que les grandes organisations sont régulées et très réglementées, avec des risques de sanctions notables que la compliance surgit. La lenteur et le classicisme de la justice a aidé les autorités de régulations à la surpasser - n'en parlons pas, le sujet fâcherait : nous sommes en France, nous acceptons la faillite mais non l'inélégance. Au fond, soyons honnête, ce succès c'est celui du droit de la régulation. C'est ce droit qui pousse à la compliance - outre des élans d'éthique. La compliance est un pendant de la régulation. Fait marquant ! Il serait ainsi curieux que le droit de compliance éclose et fasse pivoter l'ordre juridique alors que le droit de la régulation, source du phénomène, plus large, plus fort, plus institutionnel, n'a lui pas eu cet effet.
On cherche l'ouvrage de référence qui aurait hissé le droit de la régulation au rang des grandes matières (droit civil, procédure, droit des institutions, pénal, international...) avec une forte adhésion des juristes de tous horizons. Ouvrage qui, dépassant la seule œuvre intellectuelle, aurait décrit un net nouveau réel juridique : le monde juridique de la régulation. Monde juridique qui aurait refondu l'espace juridique en renvoyant le droit privé avec ses diverses branches (mais je suis un simple gaulois et ceux qui savent me fourniront peut-être l'ouvrage européen qui me convaincra de l'inverse).
Ainsi, peut-être par faiblesse intellectuelle personnelle, on ne voit pas clairement ce droit de la régulation dans sa totalité ou dans une totalité édifiante. On a beau rêver de ce projet (biais personnel), l'honnêteté intellectuelle, qu'il faut appeler intégrité scientifique, et encore objectivité, ou lucidité, commande de dire que le Droit de la régulation demeure dans l'enfance. Ajoutons qu'une construction intellectuelle ne suffirait pas ; répétons qu'il faudrait que la communauté des juristes adhère à cette vision, que la classe politique suive, et que, détail de fond (...), la matière nouvelle transforme les règles ou principes du droit écrit actuel selon une logique forte et aux effets profonds. Est-ce le cas ?
Il et donc probable que ce que la régulation n'est pas parvenue à réaliser, ce que le droit total de la régulation n'a pas réalisé, le droit de la compliance n'y parvienne pas. Dans l'analyse traditionnelle cela s'appelle un raisonnement a pari. On peut même y voir un raisonnement a fortiori. L'idée d'une matière de la compliance pourrait donc s'affaisser sur elle-même, l'idée pure, elle, demeurera en ayant quelques influences notables.
Dire droit de la compliance est néanmoins légitime car l'expression...
à suivre... l'idée n'est pas débouclée, on marche vers notre idée de principe de la compliance.
Le commissaire aux comptes à toujours fait cela... et d'autres... dans les organisations sophistiquées.
Le phénomène de conformité signerait surtout une nouvelle matière, et l'opportunisme (commercial) des éditeurs n'a pas manqué d'offrir un code ou d'autres publications de compliance ou sur la compliance. Dans ce contexte, oser ramener la compliance à la dimension qu'elle avait il y a vingt ans serait presque attentatoire à l'élan du moment, alors que, pourtant, c'est plutôt y chercher sereinement les sources d'une matière. Depuis plus de vingt ans, les services de conformités travaillent. Ils n'avaient pas nécessairement pensé que leur façon de faire du droit avait besoin de devenir une matière.
Cela dit, tout sujet qui grossit, de textes et d'autres considérations, peut devenir une matière. Le "développement personnel" est en passe de devenir une matière qui évincerait la philosophie et la psychologie des étagères des libraires si l'on n'y prenait garde.
Une matière... ce seul mot est un (trop) vaste sujet.
Souvent on désigne abusivement une matière juridique, ainsi du "droit de la vente" ou d'autres ; pour une reconnaissance sérieuse, une matière suppose une délimitation, sachant que la délimitation pédagogique importe (songez à la Cour de cassation qui ose écrire dans quelques arrêts "en droit cambiaire", idée qu'aucun code ne consacre, la loi ignorant même le terme...). La pédagogie peut désigner une matière, plus ou moins utilement, qui n'existe pas au plan scientifique mais qu'il est utile d'enseigner car cela débouche sur un métier.
"Un Droit", une matière juridique, suppose en outre la spécificité des sources, la spécificité de la pratique des raisonnements (interprétations) et, si possible, un domaine qui s'entende, au moins dans ses effets.
Pour avoir été raillé, il y a plus de trente ans, pour avoir dit "droit financier", on sera prudent (il ne faut pas railler et ensuite écrire un livre sur le sujet...). Certains avaient cru que, par "matière" j'entendais un droit autonome, ce que je pense n'avoir jamais écrit ; une matière existe par le cumul de spécificités qui la distinguent sans la rendre autonome (l'autonomie des branches du droit est bien devenue un mythe). Je me réserve donc le droit d'écrire un droit de la compliance (dans trente ans).
Il est douteux que la conformité (compliance) forme une matière juridique si l'on s'en tient aux conditions classiques - qui toutefois tiennent ou plutôt viennent de deux mille ans en arrière.
Il faudrait d'ailleurs traiter la difficulté (à mon sens surmontable) de la variété des sources qui caractériserait le possible "droit de la compliance". Le droit civil est fait de lois civiles, le droit commercial de lois commerciales, le pénal aussi... Or le droit de la conformité n'impose pas d'évidences un corpus de lois de compliance. Certains diront mais si ! On a cependant l'impression que ce sont plutôt des séries de dispositions qui sont en cause. Mais, disions-nous, la variété des sources pose problème. Ce qui dans ces lois est commercial sera vu comme loi commerciale, ce qui est pénal sera vu comme du droit pénal, le texte de droit du travail du droit du travail... Non mais !
Bref, si l'on rend à César ce qui appartient à César, la compliance en prend un coup.
Et en l'espèce, pour la compliance, il n'y aura pas des autorités de régulation pour boucler le phénomène, car les autorités de régulation sont du droit de la régulation... un nouveau Droit tient lui aussi à son rang et à sa place, encore que l'encyclopédie qu'il mériterait n'existe pas.
On disait cependant, ici même, que l'allure de la compliance (ou conformité) semble offrir une modernisation à ce point majeure qu'elle rivalise avec l'ordre juridique traditionnel, soit avec l'ordre juridique de droit écrit. Avec notre système de droit écrit. Celui qui a deux mille ans. Ou deux cents ans selon ce que l'on regarde. Celui qui est notre quotidien.
Nous ne croyons pas à une réelle concurrence du phénomène nouveau qui est enclavé dans les organisations (grandes entreprises), dans des processus internes (les ), tout en dépendant de lois qui restent spéciales (et qui le restent vraiment : le modèle de la conformité bancaire, par exemple, vieille de 30 ans, ne s'est pas étendue à toutes les entreprises... même si la LCB-FT est étendue à de nombreux professionnels).
Nous voyons mal le droit civil s'éteindre ou passer au second plan, avec le commercial (pas très en forme il est vrai), et le fiscal, le pénal, le travail et, de ce recul général, voir la compliance dominer le tout et refondre les divisions du droit, les méthodes et bien sût trier parmi les règles traditionnelles pour n'en retenir que certaines ou privilégier l'application de quelques autres.
Si un dictateur m'offrait sa plume de législateur autocrate je ne saurais comment m'y prendre pour refondre toutes les matières pour établir, en surplomb, la grande matière du droit de la compliance et je finirai donc emprisonné après lui avoir dit : "cela est impossible".
Mais il est vrai que la délimitation intellectuelle n'a aucun sens ou peu de poids quand la question tient à une stratégie et à des intérêts et que certains veulent surtout faire des affaires ; là, le droit de la compliance ne remplace rien mais vise à tout ajuster, c'est-à-dire à ajuster toute matière juridique et à tirer des factures sur tout sujet. L'intégrité scientifique est un grand sujet du droit (loi et loi Vidal) mais non un sujet pour les juristes. Dans ce cas, la matière n'en est plus une réellement, elle n'est plus une révolution intellectuelle, juste un métier juridique voire seulement un art professionnel (complémentaire à divers métiers, notamment du droit). L'ambition de nombreux auteurs et acteurs outrepasse toutefois la question des affaires et des chiffres d'affaires.
Enfin, un dernier obstacle entrave l'avènement d'une matière juridique nouvelle, je l'ai dite mais j'en explicite ici les ressorts sociologiques et logiques.
La compliance est une suite de la régulation, c'est parce que les grandes organisations sont régulées et très réglementées, avec des risques de sanctions notables que la compliance surgit. La lenteur et le classicisme de la justice a aidé les autorités de régulations à la surpasser - n'en parlons pas, le sujet fâcherait : nous sommes en France, nous acceptons la faillite mais non l'inélégance. Au fond, soyons honnête, ce succès c'est celui du droit de la régulation. C'est ce droit qui pousse à la compliance - outre des élans d'éthique. La compliance est un pendant de la régulation. Fait marquant ! Il serait ainsi curieux que le droit de compliance éclose et fasse pivoter l'ordre juridique alors que le droit de la régulation, source du phénomène, plus large, plus fort, plus institutionnel, n'a lui pas eu cet effet.
On cherche l'ouvrage de référence qui aurait hissé le droit de la régulation au rang des grandes matières (droit civil, procédure, droit des institutions, pénal, international...) avec une forte adhésion des juristes de tous horizons. Ouvrage qui, dépassant la seule œuvre intellectuelle, aurait décrit un net nouveau réel juridique : le monde juridique de la régulation. Monde juridique qui aurait refondu l'espace juridique en renvoyant le droit privé avec ses diverses branches (mais je suis un simple gaulois et ceux qui savent me fourniront peut-être l'ouvrage européen qui me convaincra de l'inverse).
Ainsi, peut-être par faiblesse intellectuelle personnelle, on ne voit pas clairement ce droit de la régulation dans sa totalité ou dans une totalité édifiante. On a beau rêver de ce projet (biais personnel), l'honnêteté intellectuelle, qu'il faut appeler intégrité scientifique, et encore objectivité, ou lucidité, commande de dire que le Droit de la régulation demeure dans l'enfance. Ajoutons qu'une construction intellectuelle ne suffirait pas ; répétons qu'il faudrait que la communauté des juristes adhère à cette vision, que la classe politique suive, et que, détail de fond (...), la matière nouvelle transforme les règles ou principes du droit écrit actuel selon une logique forte et aux effets profonds. Est-ce le cas ?
Il et donc probable que ce que la régulation n'est pas parvenue à réaliser, ce que le droit total de la régulation n'a pas réalisé, le droit de la compliance n'y parvienne pas. Dans l'analyse traditionnelle cela s'appelle un raisonnement a pari. On peut même y voir un raisonnement a fortiori. L'idée d'une matière de la compliance pourrait donc s'affaisser sur elle-même, l'idée pure, elle, demeurera en ayant quelques influences notables.
Dire droit de la compliance est néanmoins légitime car l'expression...
à suivre... l'idée n'est pas débouclée, on marche vers notre idée de principe de la compliance.