Ce jour-là ! [Le jour de votre vie où vous avez décidé de considérer l'écriture]



Ce jour-là !  [Le jour de votre vie où vous avez décidé de considérer l'écriture]
Poursuite du (petit) travail d'écriture sur l'écriture.

Poursuite de ce travail d'écriture sur l'écriture, non sur les procédés littéraires, il nous faudrait être savant... Il s'agit seulement de notes et observations sur les écrits, écritures, écrivains ou écrits-vains (facile).

Ce n'est point un travail approfondi, mais un petit travail qui dit.

Si tous les gens qui ont à écrire pouvaient, ici, se persuader de ne pas écrire avec la hache avec laquelle on écrit dans les journaux, dans le journal officiel, ou avec laquelle on écrit un contrat ou encore une recommandation d'autorité de régulation... eh bien, ce serait les aider !

Jeu d'un jour, jouons avec les mots pour montrer leur duplicité que seule signe l'écriture posée, écrite.

La résistance est grande qui croit en l'existence d'une écriture courante, ordinaire, standard, normale... C'est ainsi que les gens ("les gens" ?) voudraient écrire et que certains pensent le faire.

Rien de tel n'existe ! Ni n'est possible.

Ce qui peut exister c'est à peine un esprit ou une pensée courante, ordinaire, standard, normale...

Autrement dit, une non-pensée, faite de formules, d'idées préconçues, reçues, d'expressions usagées, de réflexes conventionnels, professionnels.

Toutes choses - abusives voire erronées - qui remplacent le bon mot dans la bonne phrase. Le bon mot bien placé, la phrase d'attaque, qui pose les choses, la phrase ordonnée, qui conduit la pensée. L'écriture commence avec le mot bien choisi, parmi quatre ou cinq, dans la phrase refaite à trois ou quatre reprises, pour être bien ordonnée. Le professionnel change ses mots et refait lui aussi ses phrases.

Vous passerez alors le mur de la lecture pour entrer dans un autre espace, vous vous souviendrez de ce jour-là.


Ce jour-là

Le jour est arrivé au petit jour, lequel a envahi la rue, les rues, toutes les rues.
Le jour est arrivé en pleine nuit, à minuit et une seconde était le nouveau jour.
Le jour est à la fois ce qui donne du jour et ce qui donne un nouveau jour.
Le poète regarde le jour de la lumière.
Le juriste regarde le jour du calendrier.
Ce dernier n'est pourtant rien, une simple hypothèse, à preuve. Imaginez qu'un jour le jour ne se lève pas. Il n'y aurait pas de nouveau jour. On parlerait non plus d'un jour, mais d'une ère. L'ère de la nuit par exemple. L'an un de l'ère de la nuit. La lumière du jour est donc le seul vrai jour. C'est la lumière du soleil qui compte, et si elle compte, c'est parce que la terre a tourné.
Ce jour plein de lumière, où je ne verrai pas ta grâce, ni même un SMS, n'existe pas dans le calendrier car ce dernier, cette liste de jours, n'est rien. Ni jour, ni nuit, ni aube, ni aurore, rien du tout ! Le calendrier est une invention chimérique. Rien que du papier noirci au vu de considérations mathématico-physiques relatives à la rotation de la terre autour du soleil. Rien que du comptage caché sous les mots de jours - justement - et de mois. Ainsi, le réalisme du juriste penché sur le calendrier est aussi réel que les réflexions métaphysiques d'une huitre. Si le juriste est peut-être pragmatique, il ne l'est que dans la société citadine, et l'affaire se réalise à un degré fort bas de pragmatisme.
La multiplication des jours semble légitimer l'appréhension juridique. Ce jour-là, jour de la conclusion - du contrat, de la résolution, de la résiliation, de l'exécution, de l'opération, de la prescription, de la promulgation... ; ce jour-là n'existe que par la grâce de la lumière qui a été. Sans elle, le jour programmé au calendrier aurait été dénié, révoqué, condamné, effacé, licencié, transformé, cancellé (vieux français)... ce jour ordinaire serait devenu l'heure H de la période nocturne nouvelle ou de l'ère de la nuit sans même pouvoir parler, désormais, en jour et jours, ni mois ni année.
L'écriture juridique qui s'ancre au jour ne s'ancre à rien ou presque, à cette échelle fictive, dite calendrier, qui emprunte telle un scripte idiot à l'une des plus belles réalités astrophysiques : la levée du jour - improprement dite levée du soleil, puisque le jour précède le soleil.
Le fait est tellement éblouissant que l'écriture, qui fait la pensée in fine, au fil des siècles, a balayé la nuit : le jour c'est le jour et la nuit ! Vous pouvez ainsi dire que, "ce jour-là, en pleine nuit, l'accusé a pénétré dans la chambre de la victime équipé d'un couteau". C'est ainsi que les jours sont aussi des nuits, deux nuits, et que les nuits sont bien celles d'un jour. La nuit est à cheval sur deux jours.
Dans tous les mots que vous devez écrire, aux uns ou aux autres, tout a au moins quatre sens qui vous échappent tant vous voulez aller avec les moutons du quotidien. Au jour le jour, la marche des moutons fait oublier le mot, la phrase, son passé, simple et complexe, son avenir, sa virtualité. A force de tuer le peu d'écriture que vous avez, en théorie, et en pratique, vous vous voilez la face du jour. De jour en jour, à écrire comme une machine qui donne un ticket ou un billet, et qui donc écrit..., vous limitez vos potentialités. Un jour, vous décidez que c'est le jour de la révolte ou de la révolution. Mais les jours ont passé, vous n'avez plus la force vive du jour. A ne pas avoir lu, écrit, relu et réécrit chaque jour, vous entrez cette fois consciemment dans la nuit. Entrer dans la lumière impose en revanche de prendre la plume, plusieurs dictionnaires et d'éviter les réseaux qui pour être sociaux sont la garantie de votre échec personnel. Il vous faut aussi vous équiper de quelques romans sérieux et d'ouvrages plus spéciaux pour regarder, en plein jour ou en pleine nuit, comment ils sont écrits. Il faut vous décider. Si vous vous décidez, vous vous souviendrez de... de...

Ce jour-là.

Vous savez désormais pourquoi cette rubrique exotique existe, laquelle semble même un brin surréaliste quand on sait que son auteur est un pragmatique (de l'écriture aussi...). Cette rubrique écrit, si je puis dire, ce que vous pouvez ou ne pouvez pas écrire, un jour ou l'autre. Un jour ou l'autre qui, jours après jours, tous empilés, font votre vie.











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En illustration, les études de Roland Barthes publiées sous ce titre génial, et qui ici joue sur l'équivoque : "Le degré zéro de l'écriture". Il y soutient l'existence, outre la langue et le style employés, d'une forme qui est le rapport de l'auteur avec la société et l'histoire. l'abnégation, la passion et le talent de Barthes (pour l'écriture), malgré un parcours original, l'ont conduit à une nomination de professeur au Collège de France.

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