L’indexation résultant d’un prêt en devises peut constituer une clause abusive et justifier une mise en garde (Cass. civ. 1, 29 mars 2017, 2 arrêts, étude in LEXBASE)



L’indexation résultant d’un prêt en devises peut constituer une clause abusive et justifier une mise en garde
Cass. civ. 1, 29 mars 2017, 2 arrêts : n° 15-27.231, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6069UMQ) et n° 16-13.050, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6072UMT)
(Extrait avec l'autorisation des éditions Lexbase)



1. Le droit de la consommation rattrape le banquier à tous les coins de rue et l’accule parfois dans certaines impasses. Dans deux arrêts de principe la Cour de cassation applique le dispositif réglementant les clauses abusives de l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1 en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Etait en cause un prêt à un consommateur destiné à un financement immobilier. Elle le fait s’agissant de la clause d’indexation affectant non pas le taux d’intérêt mais les remboursements. C’est sur ce mécanisme, et non sur une indexation d’intérêt variable, que le banquier, heureux en appel , perd le procès à hauteur de cassation. Le premier arrêt prononce un cassation car cette indexation est jugée abusive mais aussi, à la différence du second, pour défaut de recherche de l’existence d’une obligation de mise en garde à la charge de l’établissement.

2. La société BNP Paribas Personal Finance, dans la première espèce, a consenti à l'emprunteur un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros, dénommé Helvet Immo sur lequel les associations nationales de consommateurs s’expriment . Le client a invoqué l'irrégularité de la clause du contrat prévoyant la révision du montant de remboursement en fonction des variations du taux de change, ainsi qu'un manquement de la banque à son devoir d'information et de mise en garde. Information et mise en garde étant distinctes, ces deux moyens de droit se distinguent. La seconde espèce est du même ordre, quoique l’on note la présence d’un courtier en prêts immobiliers, nous n’y ferons que quelques références. Dans les deux espèces, la difficulté tient à la variation résultant d’un montage contractuel reposant sur une stipulation du prêt en francs suisse mais avec des paiements en euros (v. n° 5). Cela supposait une comptabilité des taux de change pour chaque remboursement ce que font bien de simples « feuilles de calculs ». L’opération n’était cependant pas très simple comme en atteste le pourvoi qui mentionne l’ouverture de deux « comptes internes » dans les deux monnaies…Si on comprend bien, le taux d'intérêt, non discuté, était très bas à raison du montage contractuel précédent.

3. Le litige a pris forme parc que le franc suisse s’est véritablement envolé ce qui a provoqué une augmentation du capital à rembourser, dans de nombreux cas que la presse relate, d’environ 40 % ; cela dépend de la date de souscription du prêt et du montant dû notamment dans le pic du franc suisse. Les augmentations de 10 à 20 % du capital dû ne sont déjà pas négligeables… Pour éviter l’augmentation des mensualités en cas de valorisation de la devise, le contrat prévoyait un mécanisme de maintien de la mensualité de remboursement obtenue par prolongation de la durée du prêt de 5 ans. Le législateur a nettement limité la possibilité de ces crédits depuis 2013. Les emprunteurs peuvent emprunter en une devise autre que l'euro seulement s’ils déclarent percevoir principalement leurs revenus ou détenir un patrimoine dans cette devise, sauf s’ils ne supportent pas le risque de change (C. cons., art. L. 313-64 ; la disposition a été appliquée par décret).

4. Selon la version que la Chambre civile donne du litige au fond, l’irrégularité de la clause d’indexation invoquée pouvait aboutir à son annulation. Ainsi, le procès n’était pas uniquement braqué sur la nature de clause abusive de l’indexation, qualification qui en fait des clauses réputées non-écrites. Mais c’est sur ce point que la 3e branche du premier moyen du pourvoi provoque une remarquable cassation.

Le nouvel article 1171 du Code civil, qui généralise la clause abusive, pour donner corps au contrat d’adhésion en droit commun, fait remarquer que la question tranchée par ces deux arrêts peut désormais intéresser les conventions entre banquiers et commerçants/professionnels.

On va prendre les critiques formulées à l’encontre des arrêts en cause dans leur ordre. La Haute juridiction juge que l’indexation apparaît comme licite par rapport aux règles et au droit monétaires (I) mais, entendant l’emprunteur, elle juge qu’elle constitue une clause abusive (II) et qu’elle justifie le cas échéant une mise en garde du banquier (III).


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L’indexation résultant d’un prêt en devises peut constituer une clause abusive et justifier une mise en garde (Cass. civ. 1, 29 mars 2017, 2 arrêts, étude in LEXBASE)

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